La célèbre maison de champagne Taittinger a décidé de produire du vin mousseux au Royaume-Uni pour faire face à la concurrence, notamment celle du prosecco, et s'adapter aux changements climatiques qui menacent la production vinicole française.
Ce ne sera pas du champagne, mais au moins il sera "made in Britain". La maison française Taittinger a planté son premier cep de vigne de l'autre côté de la Manche, début mai. Objectif : produire la première cuvée de "sparkling" (vin pétillant) d'ici à 2022 et réussir à contrer la concurrence d'autres mousseux, notamment italien, sur le marché britannique, le deuxième plus important pour le producteur français de champagne après la France.
Le vignoble, situé à Chilham, une commune de 1 000 habitants du Kent (sud de l'Angleterre), s'étend sur 70 hectares de terres agricoles. Les pinots noirs, pinot meunier et chardonnay (cépages traditionnels du champagne) y remplaceront progressivement les pommiers et pruniers qui s'y trouvent actuellement.
Bataille du mousseux british
À terme, Taittinger espère pouvoir produire environ 300 000 bouteilles par an de ce "sparkling". Cette nouvelle corde à l'arc de la célèbre maison de champagne doit servir à contrer la concurrence du prosecco italien essentiellement sur le marché très porteur des vins pétillants. Le breuvage italien, moins cher que le champagne, l'a détrôné au titre du vin pétillant le plus vendu au Royaume-Uni en 2015.
Taittinger n'a aucune envie de perdre la guerre du mousseux british. Le Royaume-Uni représente, en effet, 20 % des exportations du producteur français. Il est même le premier marché étranger, devant les États-Unis, pour la maison rémoise.
Décalage des saisons
À plus long terme, cette implantation en terre britannique est aussi une histoire de réchauffement climatique. Un décalage des saisons est en train de s'opérer, ce qui risque d'avoir des conséquences importantes pour l'ensemble de la production viticole française. "Avec le réchauffement, le débourrement [fin de la période hivernale pour les plantes, NDLR] commence plus tôt, la vigne est plus exposée et en cas de gel, les dégâts sont plus importants", a expliqué Damien Le Sueur, le directeur général de Taittinger au Monde.
Une transformation qui fait apparaître le Royaume-Uni comme l'un des prochains eldorados du vin. "On est venu chercher dans le Kent de la fraîcheur, tout en échappant au gel [printanier]", explique au Monde Vincent Collard, le directeur du vignoble de Taittinger.
La maison française n'est pas la seule à avoir misé sur le sud de l'Angleterre. La surface des vignobles a doublé dans le Kent depuis 2007 et devrait encore être multipliée par deux d'ici à 2020. Un autre producteur de champagne, Pommery a, lui, décidé de miser sur le Hampshire où il s'est allié au domaine Hattingley Valley. Il lui achète les raisins et produit son propre "sparkling" Louis-Pommery. Un marché en pleine effervescence...