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Le gouvernement français veut mobiliser contre les violences faites aux enfants

La ministre de la Famille, Laurence Rossignol, a présenté, mercredi, un plan "de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants", un phénomène qui reste largement sous-estimé en France.

C’est un phénomène de l’ombre, mis en lumière lorsque de sordides procès révèlent le calvaire subi par certains enfants maltraités. La ministre de la Famille, Laurence Rossignol, a présenté, mercredi 1er mars, une série de mesures pour mieux repérer ces mineurs et tenter de leur porter secours.

Le plan interministériel "de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants", conçu sur trois ans (2017-2019) doit "susciter une prise de conscience et diffuser des solutions pour faire reculer toutes les formes de violences au sein de la famille (physiques, psychologiques, sexuelles et négligences)", indique le ministère.
Depuis le début de l'année, les cas de neuf enfants ayant trouvé la mort à la suite de violences infligées par leurs parents ou beaux-parents ont été relayés dans les médias, selon un décompte de l'AFP.

Mais les histoires tragiques de Kenzo, 21 mois, qui a succombé à des coups répétés, ou Yanis, garçonnet de cinq ans qui a trouvé la mort après une punition pour avoir fait pipi au lit, ne sont que "l'arbre qui cache la forêt", a déclaré à l'AFP la pédiatre Anne Tursz, directrice de recherche à l'Inserm.

La maltraitance des enfants, qui touche tous les milieux, manque de statistiques officielles. En 2006, l'Observatoire national de l'enfance en danger recensait 77 000 cas connus d'enfants de moins de 15 ans en danger. 

"Il est très difficile d’avancer des chiffres fiables", regrette Martine Brousse, présidente de l’association "La Voix De l’Enfant", contactée par France 24. "D’après une étude que nous avons menée pendant six mois, de mars à septembre 2016, on estime que deux à trois enfants meurent chaque semaine des suites de maltraitances", indique la responsable de la structure, qui se porte régulièrement partie civile dans les cas de procès intentés après la mort de mineur maltraités.

"On a tendance à mettre cela sur le dos de l’éducation"

Ainsi, la mise en place d'une collecte annuelle de données et des mesures pour notamment mieux détecter les phénomènes du "bébé secoué" font partie des actions proposées par le gouvernement.

"Pour améliorer le repérage, une campagne de grande ampleur, en ligne, à la radio, à la télévision, par affichage, va être lancée dans toute la France", détaille Martine Brousse, dont l’association a été sollicitée.

Parmi les objectifs, rappeler l’existence du 119, numéro dédié. "Les gens doivent comprendre qu’il n’y a aucune question à se poser : en cas de doute sur la manière dont un enfant est traité, il faut appeler immédiatement le 119. Au bout du fil, un professionnel saura réagir et conseiller l’appelant en fonction de la situation", explique celle qui rappelle la vulnérabilité des enfants et déplore la réserve dont font parfois preuve les éventuels témoins.

"Le doute doit bénéficier à l’enfant ! Qu’un homme batte son chien ou une femme en public, il y a des réactions ; pour un enfant, on a tendance à mettre cela sur le dos de l’éducation", regrette-t-elle.

"Le rôle du secteur médical, par lequel passent tous les enfants, est primordial tant sur la prévention que sur la prise en charge", insiste Anne Tursz. La professionnelle réclame la création d'un "référent maltraitance" en milieu médical sur lequel les médecins pourraient se reposer.

"Le système dysfonctionne"

Le "déni" des professionnels est très important, juge la pédiatre, rappelant que la Haute Autorité de santé a formulé, en 2014, des recommandations pour aider les médecins à mieux détecter et signaler les cas de maltraitance d'enfants.

"Le système dysfonctionne", estime pour sa part Martine Brousse, rappelant l’histoire du petit Noa, mort à deux mois sous les coups de son père toxicomane en 2013, qui était suivi par de nombreux professionnels de la petite enfance.

Martine Brousse souligne l’importance de former davantage et surtout de changer la culture qui prévaut parfois dans les services d’aide à l’enfance : "Pourquoi vouloir maintenir à tout prix les liens du sang, même quand il y a incapacité avérée des parents à s’occuper de leurs enfants ?" interroge-t-elle.

L'ouverture de nouvelles unités d'accueil médical judiciaire pédiatrique (UAMJP – il en existait déjà plus de 50 sur le territoire en 2014 selon La Voix De l'Enfant) sera également encouragée. Ces structures spécifiques, "C’est une bonne chose, car le recueil de la parole de l’enfant victime, qui a besoin de soins, ne doit plus se faire au commissariat mais dans des services pédiatriques", poursuit la présidente de La Voix De l’Enfant.

Quelle peut-être la portée de ce plan adopté en toute fin de mandature ? "Nous ferons tout notre possible pour que le prochain gouvernement le prenne à son compte et continue de l’appuyer", répond-elle.