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Enlevé très jeune dans le nord de l'Ouganda par la LRA, Dominic Ongwen, enfant soldat devenu chef de guerre, est aujourd'hui jugé devant la CPI pour crimes contre l'humanité commis au sein de cette milice sanguinaire.

L'Ougandais Dominic Ongwen, membre de la sanguinaire Armée de résistance du Seigneur (LRA) a plaidé non coupable, mardi 6 décembre, devant la Cour pénale internationale (CPI) lors de l'ouverture de son procès.

L’homme de 41 ans, dont 30 passés dans la brousse avec la LRA, doit répondre de 70 accusations de crimes de guerre et crimes contre l'humanité pour son rôle dans une milice qui a, selon l'ONU, massacré plus de 100 000 personnes et enlevé plus de 60 000 enfants.

"Au nom de Dieu, je nie toutes ces accusations", a affirmé Dominic Ongwen. "Elles sont contre la LRA, pas [contre] moi", a-t-il ajouté en se défaussant. "Je ne suis pas la LRA, la LRA c'est Joseph Kony, qui est le dirigeant".

En Ouganda, des milliers de personnes sont attendues pour regarder en direct les procédures, retransmises dans des salles de classe ou des tentes montées pour l'occasion. "Nous avons attendu près de onze ans pour la justice", a affirmé Vincent Oyet, secrétaire d'un groupe rassemblant des victimes.

Vêtu d'un costume gris clair et d'une cravate lavande, Dominic Ongwen est apparu concentré devant le tribunal de La Haye, prenant à l'occasion des notes dans un carnet disposé devant lui. À l'ouverture de l'audience, les juges ont rejeté une requête déposée lundi soir par sa défense. Les avocats assuraient que l'accusé ne comprenait pas la nature des accusations car il souffre notamment d'un syndrome de stress post-traumatique lié à son passé d'enfant soldat.

Rites ultra-violents

Fils de deux professeurs, Dominic Ongwen n’est qu'un enfant d'une dizaine d'années quand il est enlevé sur le chemin de l'école près de son village de Coorom, dans le nord de l'Ouganda.

À l'époque, Joseph Kony est à la tête de la milice fondée vers 1987 et, mélangeant mystique religieuse, techniques de guérilla et brutalité sanguinaire, tente de fonder un régime basé sur les Dix commandements.

Des victimes ont raconté les rites initiatiques brutaux de la milice, des enrôlés de force contraints de mordre et matraquer amis et parents à mort, de boire du sang. Il est probable qu'Ongwen lui-même ait dû subir ces rites. En dépit de sa jeunesse, il est repéré pour sa loyauté dans le crime, son courage au combat et ses qualités de tacticien. Il monte rapidement en grade et devient chef d'une des quatre brigades de la LRA.

La procureure accuse notamment Dominic Ongwen d'avoir mené ou ordonné des attaques "systématiques et généralisées" contre des civils dans quatre camps de réfugiés perçus comme des sympathisants du président ougandais Yoweri Museveni.

"Mariages forcées", "grossesses forcéees"...

Il est également accusé de l'enrôlement d'enfants soldats, de "mariages forcés" et, pour la première fois, de "grossesses forcées". Les enfants sont enlevés pour devenir des soldats ou des "épouses", "distribuées aux soldats comme des butins de guerre", assure la procureure dans un document officiel. L’accusé lui-même aurait eu au moins sept "épouses". L'une d'elles a dix ans quand elle est violée pour la première fois.

Devenu au fil des ans l'un des commandants les plus redoutés de la LRA, Dominic Ongwen, qui s'est rendu en 2015, est le premier ancien enfant soldat à être jugé par la CPI, ce qui, pour les observateurs, représente un terrible dilemme pour la justice internationale. "Son passé d'enfant soldat n'est pas une défense en elle-même", a assuré Isabelle Guitard, directrice des programmes au sein de l'ONG Child Soldiers International, qui défend les droits des enfants soldats. "Cela ne l'éxonère pas des crimes commis une fois adulte", a-t-elle poursuivi.

Quelle que soit son issue dans les années à venir, l'affaire fera jurisprudence. Et au-delà, pourrait avoir des conséquences importantes pour la réhabilitation ou le jugement des centaines de milliers d'anciens enfants soldats à travers le monde.

Avec AFP