
L'objectif de Nicolas Sarkozy jeudi soir, lors du deuxième débat de la primaire de la droite : faire chuter Alain Juppé de son statut de favori. Il cible donc les positions "modérées" de son rival et tente de l’associer au centriste François Bayrou.
Nicolas Sarkozy parviendra-t-il à faire perdre son flegme à Alain Juppé ? Alors que les sept candidats à la primaire de la droite et du centre doivent débattre pour la deuxième fois, jeudi 3 novembre, en direct sur BFM TV et iTELE, à partir de 20 h 30, les deux favoris du scrutin n’abordent pas ce rendez-vous dans les mêmes conditions. D’un côté, Alain Juppé poursuit sa course en tête des sondages et fait toujours figure de favori. De l’autre, Nicolas Sarkozy reste dans la position du challenger obligé de porter des coups à son adversaire.
Ce dernier, après avoir reproché à son principal rival d’appeler la gauche à participer à la primaire de la droite, poursuit et amplifie sa récente stratégie qui consiste à taper sur François Bayrou. Plutôt que de concentrer ses attaques sur les propositions d’Alain Juppé, l’ancien chef de l’État préfère visiblement s’en prendre au président du MoDem, fidèle soutien du maire de Bordeaux, en affirmant que la future majorité, sous une présidence Juppé, serait forcément "otage de Bayrou". Une offensive qui a pour but de mobiliser un électorat n’ayant pas pardonné au maire de Pau son vote en faveur de François Hollande au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012.
"Je ne veux pas que demain la future majorité soit otage de M. Bayrou", a ainsi martelé, mercredi matin, sur France Info, Nicolas Sarkozy, qui agite la perspective d’une "alternance molle" et d'un groupe parlementaire de "100 à 150 députés" pour les centristes de François Bayrou.
"Qu'a promis Alain Juppé ?, demande également l’ancien président de la République dans une interview à paraître jeudi 3 novembre dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles. Quelle part du projet politique du MoDem sera mise en œuvre ? La régularisation des sans-papiers ? Le droit de vote des étrangers ? La création d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu ? La proportionnelle aux élections ?", s'interroge-t-il en recensant des thèmes rédhibitoires pour l'électorat de droite.
"C’est le retour habituel des vieilles techniques qui consistent à dire qu’on est plus de droite que son adversaire, estime le politologue Thomas Guénolé, contacté par France 24. Le niveau rhétorique est celui d’une cour d’école primaire, mais ça fait partie des classiques."
Le directeur de campagne d’Alain Juppé, Gilles Boyer, y voit lui le signe d’une certaine fébrilité dans le camp Sarkozy : "Les sarkozystes cherchent des boucs-émissaires, c’est intéressant politiquement, car cela montre qu’ils ont intériorisé la défaite", estime-t-il dans Le Monde.
Valérie Pécresse vote Juppé
L’ancien ministre des Affaires étrangères se garde bien de fanfaronner avant le 27 novembre, date du deuxième tour de la primaire. Il peut tout de même s’enorgueillir du ralliement, mardi 1er novembre, de la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse.
"Il sera un président fort, qui saura réformer et restaurer l'autorité de l'État, dit de lui Valérie Pécresse dans un entretien au Figaro. […] Il faut se réunir derrière lui au premier tour. Je le fais parce qu'il a l'autorité sereine pour diriger la France et mener à bien les réformes très profondes dont elle a besoin. À travers les épreuves qu'il a traversées, il a prouvé son courage, sa constance et sa détermination."
L’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy s’est jetée sans retenue dans la campagne, rappelant quelques vérités, notamment au sujet des attaques visant François Bayrou. "Ne soyons pas hypocrites et disons la vérité ! Sans les voix de l'UDI et du MoDem, ni Laurent Wauquiez, ni Christian Estrosi, ni moi n'aurions été élus présidents de région, a ainsi déclaré Valérie Pécresse dans Le Figaro. Et cela ne m'empêche pas, je vous le garantis, de mener une politique de franche rupture avec dix-sept ans de gestion socialiste en Île-de-France."
Alain Juppé sur la dalle d’Argenteuil
C’est fort de ce soutien de poids qu’Alain Juppé s’est rendu, mercredi 2 novembre, sur la dalle d’Argenteuil, en banlieue parisienne. Celle-ci est restée dans les mémoires comme le lieu où Nicolas Sarkozy avait promis à une habitante, en 2005, qu’il se débarrasserait de la "racaille" accusée par l’ancien ministre de l’Intérieur d’imposer sa loi dans ce quartier difficile.
"On compte aller chercher les voix une à une, y compris ici", a expliqué sur place l'entourage du maire de Bordeaux. Seule allusion à la visite de Nicolas Sarkozy en 2005, Kamel Hamza, élu LR de La Courneuve et soutien d’Alain Juppé, qui parle de "mots qui ont fait mal, qui ont choqué et qui continuent de faire du mal".
"Alain Juppé envoie ici le message que lui ne divise pas, juge Thomas Guénolé. Au contraire de Nicolas Sarkozy, il montre qu’il peut se rendre sur la dalle d’Argenteuil sans créer la polémique."
Un déplacement sans remous ni anicroche, à l’image de l’attitude qu’adoptera Alain Juppé, jeudi soir, lors du débat ,afin de gérer son avance. Tout le contraire, en somme, de Nicolas Sarkozy qui cherchera, de son côté, à rebattre les cartes.