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À Zurich, des athlètes "augmentés" ont participé au premier Cybathlon

envoyé spécial à Zurich – Près de 70 athlètes handicapés ont participé, samedi, à Zurich, au premier Cybathlon, des olympiades pour sportifs équipés d'appareils bioniques. Une occasion de constater à quel point la technologie peut simplifier leur quotidien.

Ce sont des athlètes hors du commun qui se sont affrontés, samedi 8 octobre, à Zurich, en Suisse. Les uns ont gravi des escaliers alors qu’ils ont perdu l’usage de leurs jambes, d’autres, qui ne peuvent plus bouger leurs mains, ont pu trancher du pain ou visser une ampoule, tandis que des tétraplégiques ou paraplégiques ont participé à des courses de tricycles.

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Des exploits obtenus car le dopage était ici bienvenu, contrairement aux compétitions sportives traditionnelles. Mais pas n’importe lequel : ces personnes lourdement handicapées sont dopés aux avancées technologiques. Ces dernières leur ont permis de participer au Cybathlon, la première compétition pour athlètes "augmentés".

Exosquelette, fauteuil roulant motorisé, cerveau connecté

Le stade, normalement dédié aux matches de hockey sur glace de l’équipe zurichoise, avait été réaménagé pour l’occasion. La piste extérieure était réservée aux épreuves de tricycle à stimulation électronique et l’espace central avait été transformé en course d’obstacles – slalom entre des poteaux, montée des marches, ouverture des portes etc. – pour des compétiteurs dotés d’un exosquelette ou avançant en fauteuil roulant motorisé. Enfin, un petit espace a été prévu pour des sportifs d’un autre genre : assis face à un ordinateur, des tétraplégiques ont joué à un jeu vidéo à la seule force de leur cerveau, grâce à un casque doté de multiples capteurs. Au total, près de 70 athlètes ont participé aux épreuves devant plus de 1000 spectateurs.

Handicaps mis à part, l’événement avait tout de la compétition sportive traditionnelle. Des athlètes qui donnent tout ce qu’ils peuvent. Des applaudissements et le soutien, parfois bruyant, de fans brandissant des banderoles aux couleurs du Mexique, de la Russie ou encore de l’un des 22 autres pays représentés. La remise des médailles sur un podium à des athlètes, heureux et au bord des larmes.

Le visage marqué par l’effort d’un athlète paraplégique sud-coréen qui tente de grimper une petite côte à l’aide d’un exosquelette n’a rien à envier à celui du coureur de fond qui franchit la ligne d’arrivée à bout de souffle. “Il y a de la fatigue, mais notre corps ne la sent pas arriver progressivement. Elle s’installe d’un coup et on ne peut plus rien faire, comme si on appuyait sur un bouton off”, explique à France 24 Vance Bergeron, un chercheur tétraplégique de l’ENS (École normale supérieure) de Lyon qui a participé à la course de tricycle.

Simplifier la vie au quotidien

Mais l’aspect sportif n’est que la cerise sur le gâteau du Cybathlon. Les épreuves – trancher du pain, accrocher des pinces à linge, visser une ampoule etc. – ont été choisies à dessein. “L’idée est de démontrer que grâce à la technologie, des tâches quotidiennes ne sont plus des obstacles insurmontables”, explique Christine Azevedo-Coste, spécialiste de la robotique au service des handicapés à l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique).

“La compétition est importante car ça nous motive à nous dépasser, mais elle reste secondaire”, assure Vance Bergeron. Selon lui, cette occasion doit permettre à chacun, scientifiques, ingénieurs, personnes handicapées, grand public, de constater ce qui se fait pour “aider les personnes handicapées à simplifier leur vie au quotidien”.

Un avis partagé par Jérôme Parent, le pilote du tricycle de l’équipe française de l’Inria. “C’est un énorme plaisir d’avoir pu partager avec le public le résultat de plus d’un an d’entraînement quotidien et de travail scientifique et technologique”, a-t-il affirmé à France 24. Il n’a pas gagné mais presque : Jérôme Parent a pu démontrer qu’avec quelques capteurs placés au bon endroit sur ses jambes et ses fessiers, il pouvait stimuler électroniquement ses membres et parcourir 750 mètres en moins de 8 minutes à vélo. Le tout avec un tricycle médical classique, d'une valeur d'environ 5 000 euros, qui a été légèrement modifié.

Si tous les participants ne ramènent pas de médaille du Cybathlon, ils y ont tous gagné en expérience. Vance Bergeron va pouvoir améliorer son prototype de tricycle, l’un des plus légers au monde, qu’il utilise déjà pour faire des balades en extérieur. D’autres, comme les membres des équipes de l’Inria, tenteront de rendre ces technologies encore plus accessibles, en cherchant notamment à réduire le nombre de fils qui relient les capteurs sur le corps du cycliste à l’unité centrale qui envoie les stimulations électriques. L'objectif : qu'un tétraplégique fasse 750 mètres en tricycle en moins de huit minutes, hors d'une compétition sportive.