logo

Purges en Turquie : 17 journalistes placés en détention préventive

Alors que le président turc se défend des critiques occidentales sur les purges, 17 journalistes ont été placés en détention provisoire. Washington craint des relations diplomatiques de plus en plus compliquées avec Ankara.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a rejeté avec véhémence vendredi les critiques occidentales contre les purges en cours au sein de l'armée et d'autres institutions après le putsch manqué du 15 juillet, laissant entendre que certains, aux États-Unis, se rangeaient du côté des comploteurs. Les purges visent les partisans de Fethullah Gülen, en exil aux États-Unis et accusé par le pouvoir turc d'être l'instigateur des événements du 15 juillet. Les pays occidentaux ont condamné le coup de force, dans lequel 246 personnes ont perdu la vie et plus de 2 000 autres ont été blessées, mais ils ont été surpris par l'ampleur des purges.

Le grand nettoyage entamé par le président ne semble pas prêt de s'arrêter. Mercredi, Ankara annonçait, entre autres, la fermeture de 45 journaux, 16 chaînes de télévision et de 23 stations de radio. Samedi 30 juillet, le pouvoir a annoncé le placement de 17 journalistes en détention préventive pour leurs liens supposés avec Gülen et avec les auteurs de la tentative de coup d'État. Quatre d'entre eux ont été libérés. Le parquet d'Izmir, sur la mer Égée, a de son côté ordonné l'arrestation de 200 policiers.

La purge a écarté de nombreux officiers en contact avec Washington

Selon le directeur américain du Renseignement James Clapper, la purge effectuée en Turquie a écarté de nombreux officiers avec lesquels Washington était en contact. "Cela a un impact, parce que [la purge] a affecté tous les segments de l'appareil de sécurité nationale en Turquie", a dit James Clapper jeudi soir. "Beaucoup de nos interlocuteurs ont été arrêtés. Il ne fait pas de doute que cela va rendre la coopération plus difficile avec les Turcs."

S'exprimant au QG des forces spéciales à Ankara, qui a été fortement endommagé par les combats le soir du putsch, Recep Tayyip Erdogan a condamné vendredi les propos des Américains. Erdogan déplore que les États-Unis prennent "le parti des comploteurs. Le putschiste est déjà dans votre pays", a dit le chef de l'État en faisant allusion à Gülen, qui nie toute implication dans le coup de force et vit en exil en Pennsylvanie. "Ils [les détracteurs] disent 'Nous sommes inquiets pour l'avenir [de la Turquie]. Mais de quoi ces personnes sont-elles inquiètes ? De savoir si le nombre d'arrestations va augmenter ? S'il y a des coupables, ce nombre augmentera", a dit Erdogan, qui a échappé de peu aux putschistes alors qu'il se trouvait en vacances à Marmaris, sur la côte Méditerranéenne de la Turquie.  "L'attitude de beaucoup de pays et de leurs représentants sur la tentative de coup d'État en Turquie est une honte", a déclaré le président turc devant des centaines de partisans réunis à Ankara. "Tout pays et tout dirigeant qui ne se préoccupe pas autant de la vie du peuple turc et de notre démocratie que de la vie des putschistes n'est pas notre ami", poursuivait Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie réorganise son armée

La Turquie a entrepris de réorganiser son armée après le putsch manqué. Le Premier ministre turc, Binali Yildirim, a annoncé lors d'un discours vendredi que les casernes d'où étaient partis des putschistes allaient être fermées, y compris une base aérienne proche d'Ankara qui avait servi aux comploteurs. Réuni jeudi pendant cinq heures, le Conseil militaire suprême (YAS), organe de supervision des forces armées en Turquie, a promu 99 colonels au rang de général ou d'amiral et placé 48 généraux à la retraite.

Près de deux semaines après l'échec d'un coup d'État d'un groupe au sein de l'armée, qui a valu à près de 1 700 militaires, dont 40 % de généraux et amiraux, d'être congédiés pour conduite déshonorants, les principaux responsables de l'état-major sont maintenus à leur poste. A l'issue de la réunion du YAS, Recep Tayyip Erdogan, a fait savoir qu'il souhaitait que l'armée et les services secrets (MIT) soient placés sous le contrôle de la présidence et non plus du Premier ministre.

Le nombre d'employés du secteur public limogés depuis le putsch avorté dépasse désormais les 66 000, dont 43 000 dans l'enseignement, rapporte l'agence de presse officielle Anatolie.

Plus de 18 000 personnes ont été placées en détention depuis l'échec du putsch, et, 9 677 attendent de passer en jugement. En outre, 50 000 passeports ont été confisqués. Le ministère du Travail dit quant à lui enquêter sur les agissements de 1 300 de ses agents, possiblement impliqués.

Recep Tayyip Erdogan assure que les partisans de Fethullah Gülen ont infiltré entre autres le réseau d'établissements scolaires, les organismes de charité et les entreprises, afin de créer un "Etat parallèle" visant à prendre le contrôle du pays.

Nettoyer l'armée des éléments gülénistes

Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a cherché à balayer les inquiétudes des États-Unis et de l’UE face à l'ampleur des purges, vendredi, en estimant que l'armée turque sortirait renforcée une fois "nettoyée" de ses éléments gülénistes.

La Turquie autorise les États-Unis à utiliser sa base aérienne d'Incirlik pour mener des raids contre l'EI en Irak et en Syrie. Ces opérations ont été temporairement interrompues à la suite de la tentative de coup d'Etat.

Autre critique émanant de Washington, le département d'État s'est dit "profondément préoccupé" par les arrestations de journalistes lancées depuis le début de la semaine en Turquie. Cavusoglu a répondu que les personnes interpellées dans les médias n'étaient pas "de vrais journalistes".

Vendredi, la police a également appréhendé le président du conglomérat Boydak Holding et deux cadres du groupe. Six membres de la famille Boydak font au total l'objet d'un mandat d'arrêt. Ils sont accusés de financer le mouvement de Fethullah Gülen, qui chapeaute de nombreuses écoles et organisations caritatives.

Avec Reuters