
Mathieu Tremblin, un artiste de 36 ans, peint par-dessus les graffitis de nos villes pour réécrire, dans une typographie claire, les mots d'origines. Il a intitulé son projet "Tag Clouds".
Que signifient ces étranges graffitis biscornus qui ornent les murs de nos rues ? Un projet de l'artiste Mathieu Tremblin devrait aider les non-initiés à y voir plus clair. Il déchiffre et réécrit dans une typographie intelligible les signatures et autres messages qui ornent nos avenues.
"'Tag Clouds' est un principe de peinture murale qui consiste à remplacer les calligraphies anonymes de tous ordres présentes sur les murs de la ville par des traductions lisibles et rigoureuses, comme celles des nuages de mots-clés présents sur Internet – 'tag clouds' en anglais", détaille l'artiste sur son site Internet.
Son projet souligne aussi la proximité entre l'espace urbain et Internet. Avec ses œuvres, le natif du Mans met en évidence l'analogie existant entre les tags physiques, ces signatures anonymes apposées sur les murs, et les tags virtuels, ces mots-clés indexant le Web.
"Inviter les passants à s’intéresser au tag." C'est l'objectif que s'est fixé Mathieu Tremblin avec "Tag Clouds". "Être attentif au tag dans la ville, pister un tagueur, permet d’emprunter des chemins différents de ceux, fonctionnels ou consuméristes, ménagés par les gouvernants de l’espace urbain", nous explique l'artiste de 36 ans. En clair,
Quels messages se cachent derrière cette série ? Aucun, affirme Mathieu Tremblin : "L’objet d’un geste artistique dans la ville n’est pas de délivrer de manière explicite un message – ça c’est celui de la publicité, de la signalétique ou de la propagande – mais plutôt de questionner une situation et de mettre à jour des rapports de force entre des usages et des gouvernances. […] Avec 'Tag Clouds' est questionnée la prédominance d’un langage technocratique et de la propriété privé dans nos expériences et imaginaires de ville." En plus clair : il s'interroge sur le bien-fondé d'une organisation et d'une gouvernance de la ville par les pouvoirs publiques.
Avec cette interrogation, l'artiste nous invite à repenser la manière dont on perçoit l'espace qui nous entoure : "Il y a une idée répandue selon laquelle la ville appartient aux tagueurs – le geste est interprété comme propriétaire puisque relevant de la signature –, mais il serait judicieux de reconsidérer que ce sont les tagueurs – et surtout leurs tags – qui appartiennent à la ville."
Ces performances font forcément penser à du street-art. Pourtant, l'artiste refuse d'associer ce mot à son travail, le jugeant trop commercial : "Le terme 'street-art' a été adopté par des artistes et des galeries quand leurs produits dérivés – des croûtes, pour la plupart – sont devenues rentables sous cette étiquette sur le marché de l’art début 2000."
"Utiliser street-art à tout bout de champ, c’est empêcher de penser la richesse et la diversité des pratiques… Et cela sert uniquement ceux qui ont des démarches propriétaires, spéculatives et coercitives ; le street-art devient le gentil et le graffiti sauvage le méchant. Le monde dans lequel j’évolue est plus complexe que cela", s'insurge Mathieu Tremblin auprès de Mashable FR. "Cependant, loin de moi l’intention de faire un procès aux artistes qui se sentent confortables avec cette étiquette et qui en bénéficie pour leur carrière – dont je fais, malgré moi, partie."
Mathieu Tremblin performe, peint et tague à travers toute la France et l'Europe. Mais son travail est loin de se résumer à "Tag Clouds". Vous pouvez en découvrir davantage sur son site internet.
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