Le vice-président allemand a appelé à "geler d’urgence" les milliards d’euros versés par l’UE à la Turquie au titre de l'"instrument d’aide à la préadhésion", censé soutenir le "renforcement des droits de l'Homme et des libertés fondamentales".
C’est un montant qui fait grincer les dents à la suite des 9 000 arrestations et gardes à vue liées au coup d'État manqué en Turquie. Pour soutenir, notamment, "le renforcement des institutions et l’État de droit, les droits de l’Homme, y compris les libertés fondamentales", l’Union européenne (UE) a versé 4,8 milliards d’euros à Ankara depuis 2007 au titre de "l’instrument d’aide de préadhésion", un véhicule financier destiné à accompagner les pays candidats à une adhésion à l’UE.
Des milliards d’euros versés par Bruxelles dont le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung a fait état, vendredi 21 juillet. La Commission européenne, contactée par France 24, a confirmé ce montant qui se double, en outre, d’une provision de 4,45 milliards d’euros supplémentaires à verser d’ici 2020 dans le cadre du même programme.
"Vaste blague"
Est-il opportun de continuer à verser ces subsides pour aider un régime accusé de dérive autoritaire à s’aligner - d’après la description officielle de ce programme - "sur les standards européens" (droits de l'Homme, institutions démocratiques, etc.) ? La question commence à faire débat. En Allemagne, le vice-président Johannes Singhammer (droite conservatrice) estime que ce soutien financier à la Turquie est "une vaste blague" et qu’il faut "geler immédiatement" cette manne.
À Berlin, la question est d’autant plus sensible que l’Allemagne a contribué à hauteur de plus d’un milliard d’euros, soit plus d’un cinquième des sommes totales versées depuis 2007. Pour Johannes Singhammer, cet argent versé depuis près de 10 ans a été en grande partie jeté par la fenêtre tant l’aide apparaît "après coup comme n’ayant eu aucun effet" sur le renforcement des valeurs démocratiques en Turquie.
De son côté, Bruxelles ne s’est pas encore fait de religion sur la question. "La Commission va réévaluer en permanence la situation en Turquie et ajuster si nécessaire et en fonction des besoins l’allocation de ces fonds", a déclaré un porte-parole de la Commission européenne à France 24. Il a précisé que l’UE "s’assure que l’argent a un impact sur le terrain". L’Union ne semble, en tout cas, pas encore prête à déclencher la clause de suspension de l’aide qui est prévue par les textes européens lorsqu’un pays "ne réalise pas de progrès suffisants concernant le respect des critères d’adhésion".
Huit pays bénéficiaires
La Turquie n’est pas le seul pays à bénéficier de cette manne, mais il en est de loin le plus important destinataire. Depuis 2007, plus d’un milliard d’euros a été versé à la Serbie et l’Albanie a reçu environ 530 millions d’euros, d’après le rapport 2015 de la Commission européenne sur l’Instrument d’aide de préadhésion. En tout, huit pays font partie de ce programme.
La promotion des droits de l’Homme et de l’État de droit n'est pas le seul but de cette aide à la préadhésion, comme le rappelle un document européen de janvier 2016 consacré aux fonds qui vont être versés à la Turquie d’ici 2020. Ainsi 24,3 % de ces 4,45 milliards d’euros vont être alloués à des initiatives en faveur de l’environnement et de l’innovation, tandis que près de 900 millions d’euros serviront à développer et moderniser l’agriculture.