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Le recrutement de l'ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso par la Goldman Sachs n'est qu'un nouvel exemple des liens entre la banque américaine et l'élite politique européenne.
La chasse au Barroso est ouverte en Europe. L’annonce, vendredi 8 juillet, du recrutement par la banque américaine Goldman Sachs de l’ex-président de la Commission européenne José Manuel Barroso a suscité un véritable tir de barrage médiatique et politique. Le politicien portugais deviendra président non-exécutif de la banque et, à ce titre, la conseillera dans le contexte du Brexit.
Un choix de carrière "indécent" aux yeux du secrétaire d’État français au Commerce extérieur Matthias Fekl. José Manuel Barroso devrait avoir "honte", a aussi estimé le chef de file parlementaire du Bloc de gauche portugais Pedro Filipe Soares. L'intégration de l’ancien homme fort de Bruxelles à l’une des banques les moins appréciées du monde constitue un "bras d’honneur à l’Europe", titre même le quotidien de gauche Libération.
Vieille habitude
Ce "pantouflage" illustre la "relation incestueuse entre pouvoir politique et finance privée", affirme Le Monde. Une collusion d’autant plus dommageable pour l’image de l’Union européenne – déjà bien écornée dans l’opinion publique – qu’il s’agit de Goldman Sachs. La banque, dont le rôle dans la genèse de la crise des subprimes en 2008 aux États-Unis a été maintes fois souligné, a aussi contribué à celle de la zone euro. Elle a en effet aidé le gouvernement grec à dissimuler la véritable ampleur de son déficit budgétaire pendant des années. C’est la révélation de ce maquillage des comptes publics qui avait, en 2010, provoqué la défiance des marchés et l’effondrement économique du pays.
José Manuel Barroso pouvait difficilement choisir un futur employeur plus controversé. Mais la bonne entente entre la banque américaine d’affaires et l’élite politique européenne ne date pas d'aujourd'hui. Ce n’est pas un hasard si le porte-parole de la Commission européenne ne s’est pas offusqué de ce recrutement et l’a même qualifié de "légitime".
Les ponts entre Goldman Sachs et les institutions européennes existent depuis des années. Passer d’un monde à l’autre peut paraître anodin. C’est notamment le cas aux États-Unis, où la pratique est courante jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Hank Paulson, le secrétaire au Trésor (équivalent du ministre de l’Économie) de 2006 à 2009, était PDG de Goldman Sachs jusqu’à son entrée au gouvernement américain.
De ce côté-ci de l’Atlantique, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, se trouve aussi être un ancien de la banque d’affaires. Mais le plus prestigieux transfuge encore en exercice à un poste européen à responsabilité est l'actuel président de la Banque centrale européenne Mario Draghi. Avant de prendre la tête de la puissante institution monétaire européenne en novembre 2011, cet ancien gouverneur de la Banque d’Italie avait exercé pendant trois ans la fonction de vice-président de la branche européenne de Goldman Sachs.
Empressement de Barroso
À cette époque, plusieurs observateurs s’étaient étonnés du nombre d’anciens de la banque américaine à occuper des hautes fonctions politiques ou économiques en Europe. Le Nouvel Observateur avait alors évoqué la "pieuvre Goldman Sachs" pour qualifier le phénomène. Car outre le patron de la BCE, le président du Conseil des ministres italien entre 2011 et 2013, Mario Monti, a lui aussi été conseiller international de Goldman Sachs à partir de 2005.
Et la liste est loin d'être terminée : en Grèce, l’homme nommé en 2011 pour gérer l’immense dette du pays, Petros Christodoulos, avait commencé sa vie professionnelle comme trader pour la banque d’affaires. Un autre "goldmanien", le portugais Antonio Borges fut, entre 2010 et 2011, le responsable du département Europe du FMI et devait, à ce titre, superviser la crise de la zone euro. La banque n’hésitait pas non plus à recruter des éminentes figures européennes comme l’Allemand Otmar Issing, un ancien membre du conseil des directeurs de la BCE et l’un des artisans de la monnaie unique.
C’était la période faste de l’offensive de lobbying de la banque américaine en Europe qui consistait à placer au sein des institutions européennes des hommes avec qui elle pourrait garder le contact, soulignait le quotidien europhile britannique The Independent.
Le recrutement de José Manuel Barroso rappelle l’existence de cette proximité humaine entre les institutions européennes et Goldman Sachs. Mais ce qui dérange, cette fois-ci, n’est pas tant que Goldman Sachs s’offre ainsi l’un des carnets d’adresses les plus fournis en Europe. C’est davantage l’empressement avec lequel l’homme politique portugais a rejoint la banque privée. Les règles européennes imposent aux anciens membres de la Commission de respecter un délai de 18 mois avant d’accepter un travail pouvant entraîner un conflit d’intérêt. José Manuel Barroso a attendu à peine plus de 20 mois.