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Au Camp Nou (Barcelone), vendredi soir, le RC Toulon et le Racing 92 disputeront la finale du Top 14. Un duel entre deux mastodontes du rugby français qui, 10 ans plus tôt, posaient à peine les jalons de leur grand retour.

Il y a moins d'une décennie, qui aurait pu prévoir que le Racing Metro – devenu depuis le Racing 92 – et le RC Toulon domineraient le rugby français de la tête et des épaules ? Les deux clubs, qui se retrouvent en finale du Top 14, vendredi soir à 20 h 45 (heure de Paris), sont devenus en quelques années les poids lourds d'un championnat auquel ils n'étaient même pas conviés au milieu des années 2000.

En difficulté et repris en mains en 2006 par d'ambitieux présidents, Toulon et le Racing ont changé de dimension. Avec un net avantage pour le premier, tout de même, puisque le club de l'exubérant Mourad Boudjellal a abondamment garni son armoire à trophées ces trois dernières saisons, avec trois Coupes d'Europe (2013, 2014, 2015) et un Bouclier de Brennus (2014).

Le Racing 92 de Jacky Lorenzetti, lui, est presque tout le temps placé, mais il reste encore dans l'attente d'une consécration. Une finale de Coupe d'Europe perdue cette saison contre les Saracens (21-9) indique toutefois un frémissement annonciateur d'une possible ébullition au Camp Nou, à Barcelone, où se jouera le titre de champion de France. Pourtant, il n'y a pas si longtemps, ces deux cadors joutaient en Pro D2, en quête d'un retour au premier plan.

Révolution au Racing

Le Racing – alors Racing-Métro – semble le plus mal en point quand débarque Lorenzetti, le fondateur du réseau immobilier Foncia. Le titre de 1990 est un lointain souvenir et la transition vers le professionnalisme est laborieuse.

Quelques illustres anciens (Mesnel, Blanc, Guillard...), propriétaires de la marque Eden Park, font alors vivre l'équipe avec un budget de trois millions d'euros, huit fois moins qu'aujourd'hui.

"Quand Jacky Lorenzetti est arrivé, l'équipe d'Eden Park n'avait plus les moyens d'entretenir un club professionnel et même sur le terrain, le niveau se rapprochait de plus en plus de la Fédérale", se souvient Franck Boucher, devenu alors directeur général délégué du Racing. "En revanche, la situation financière était très saine. Jacky a procédé aux premiers investissements en 2006 mais la montée en puissance s'est vraiment faite pour la saison 2007-2008."

"En termes d'installations, il n'y avait rien. L'équipe s'entraînait sur le terrain de Croix-de-Berny, mais il n'y avait pas de vestiaires, pas de salle de musculation", raconte-t-il.

Pierre Berbizier, ancien sélectionneur du XV de France, est alors appelé à la rescousse et devient "le grand penseur de l'organisation actuelle" du Racing. Un gymnase est réaménagé en 2007, un club house construit tandis que Berbizier réfléchit déjà à "un lieu unique" qui deviendra le centre d'entraînement du Plessis-Robinson, inauguré à l'été 2012.

Un centre de formation est créé "de toutes pièces", les écoles de rugby sont réorganisées et Boucher se met rapidement à la recherche d'un terrain pour l'Arena, le stade du Racing, qui devrait être livré en septembre 2017.

Si le recrutement monte soudainement en gamme pour la saison 2007-2008, "les meilleurs français ne voulaient pas venir", se souvient Boucher, "car tout le monde pensait que le Racing allait descendre en Fédérale".

Il faut bien reconnaître aussi que le cadre d'alors ne suscite guère l'enthousiasme. "Le premier match que l'on a organisé à Colombes en 2007 était un amical contre une équipe irlandaise, le Blackrock College", raconte encore Boucher. "Dans les tribunes, il y avait 50 spectateurs. On avait organisé une réception d'après-match et du coup, on a été chercher les gens en tribunes."

Revenu en Top 14 en 2009, multipliant les recrutements 5 étoiles (Chabal, Steyn, Hernandez, Sexton, Carter...), le Racing a bien changé... Mais il court cependant toujours après son premier sacre.

Boudjellal - Laporte, duo gagnant

À Toulon, la mayonnaise a pris beaucoup plus rapidement. Boudjellal, d'abord associé à son ami Stéphane Lelièvre, a très rapidement trouvé la formule gagnante, en bénéficiant d'un public prompt à s'enflammer, de structures déjà en place, et en modernisant le centre d'entraînement d'Ange-Siccardi à l'été 2009.

Surtout, Boudjellal, ancien éditeur à succès de bandes dessinées, s'est avéré être un as du coup d'éclat. En attirant successivement sur la Rade les All Blacks Tana Umaga, Jerry Collins, Sonny Bill Williams et d'autres, il a vite replacé le RCT sur le devant de la scène. Produits dérivés, brasseries, billetterie ont aussi permis aussi d'alimenter le modèle économique du RCT, assis sur un budget de quelque 27 millions d'euros.

Remonté en 2008 en Top 14, le RCT a réellement décollé sous la férule du charismatique entraîneur Bernard Laporte, un autre pari de Boudjellal, débarqué fin 2011. L'ancien sélectionneur des Bleus, qui tirera sa révérence vendredi avec une huitième finale, a su tirer le meilleur de ses troupes pour les amener au pinacle du continent dès 2013. Avec le succès et le palmarès qui ont fait du club toulonnais une référence absolue en France mais aussi à l'échelle du continent.

Avec AFP