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"Fuite des cerveaux" : un rapport pour aller au-delà des clichés

Un rapport sur la "fuite des cerveaux" en France, publié mardi, vient souligner les problèmes soulevés par le nombre croissant de Français diplômés qui partent travailler à l’étranger et la spécificité de la situation française.

Les “cerveaux” français sont-ils ingrats avec leur mère patrie ? C’est l’une des interrogations qui ressort de la lecture de la note “Préparer la France à la mobilité internationale croissante des talents” publiée par le Conseil d’analyse économique (CAE) mardi 17 mai. Les auteurs y soulignent le risque de voir s'établir un schéma néfaste pour l’économie française : des Français très diplômés qui, après leur passage dans un système éducatif gratuit ou presque, sont aller travailler à l’étranger et ont donc contribué à la prospérité d’un autre pays.

Ce document part d’un constat tiré par d’autres travaux, notamment deux études parlementaires en 2014 sur la "fuite des cerveaux" en France : de plus en plus de jeunes diplômés vont voir si l’herbe professionnelle est plus verte ailleurs. “Le flux net sortant annuel des personnes nées en France a doublé entre 2006 et 2011 pour s’établir à près de 120 000 personnes en 2011”, écrivent Étienne Wasmer et Cecilia Garcia-Penalosa, les deux économistes du CAE qui ont corédigé cette note. La tendance va encore s’accélérer assure Cecilia Garcia-Penalosa au “Figaro”.

Phénomène plus marqué au Royaume-Uni, au Pays-Bas et en Allemagne

Mais ce n'est pas un mal spécifiquement français... ni forcément un problème en soi. “Le diable est dans les détails”, veulent nuancer les auteurs du rapport. D’abord, la France est loin d’être le seul pays à connaître pareil phénomène. Le mouvement de "fuite des cerveaux" est bien plus marqué au Royaume-Uni, au Pays-Bas ou encore en Allemagne. Par exemple, le taux d’immigration brut des Britanniques de plus de 25 ans (part des jeunes qui quittent le pays par rapport au nombre total des résidents d’un pays) est de 7 % quand il avoisine seulement 2 % dans l’Hexagone.

Ensuite, le nombre de jeunes étrangers diplômés du supérieur qui s’installent en France est, aussi, supérieur à celui des Français qui partent travailler à l’étranger. Mais ce solde n’est positif… qu’en apparence. Les expatriés français ont, pour 44 % d’entre eux, un Bac + 5 contre seulement 26,8 % des émigrés qui choisissent la France. C’est là que se situe le cœur du problème français, car d’autres pays, notamment anglo-saxons, sont bien plus forts pour attirer ou retenir la crème de la crème des diplômés. Ce “système où les étudiants sont formés gratuitement ou pour pas cher et paient ensuite des impôts ailleurs n’est viable que s’il est compensé par des arrivées équivalentes”, explique Étienne Wasmer.

Plus d’Europe

En clair, les auteurs du rapport craignent que l’apport économique des arrivants ne compense pas le coût des subventions publiques à l’éducation et du système de soin et de retraite pour ceux qui reviennent après avoir passé leur vie professionnelle à l’étranger. Il y a “un souci d’équité, car le contribuable français finance des études pour des individus qui ne contribueront ni au système fiscal, ni à la croissance du pays”, écrivent les deux économistes.

Pour autant, loin d'eux l'idée de faire basculer le système éducatif dans un modèle de financement privé à l’américaine. Ils estiment notamment qu’un rôle budgétaire plus important devrait être donné à l’Europe, par exemple, en “finançant des universités d’excellence européennes” pour soulager les budgets des États membres.

Pour faire face à la mobilité des cerveaux, la France peut aussi améliorer son attractivité. Le dispositif des “passeport-talent”, ces titres de séjour de quatre ans mis en place depuis mars 2016, est une bonne piste pour les auteurs du rapport. Il faudrait encore, d'après eux, que les candidats  – les étrangers ayant une compétence particulière (artistes, sportifs ou scientifiques) – puissent l'obtenir encore plus facilement.