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Après la farce "Ma Loute", c'est une nouvelle comédie qui a fait son entrée en compétition. Dans "Toni Erdmann", l'Allemande Maren Ade met en scène un papa farceur qui veut sauver sa fille du surmenage. "Plus blague la vie", quoi.

Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures. Laurent Lafitte qui ne le sait que trop bien depuis son controversé discours d’ouverture et sa blague sur Woody Allen est contraint d’expliquer sa saillie drolatique à longueur d’interviews. En partant du principe qu’une vanne qu’on décortique est une mauvaise vanne, on en conclura que le maître de cérémonie 2016 a failli dans sa mission de bouffon du roi (espérons qu’il se rattrape lors de la cérémonie de clôture, le 22 mai).

Le rire, ce n’est pas vraiment le délire du Festival de Cannes. La Croisette préfèrera toujours le strass, les paillettes et les scandales aux sorties potaches d’un humoriste mal inspiré ("c'était d’un vulgaire, ce speech"). Il n'en demeure pas moins que, cette année, la course à la Palme d’or n’est pas avare en fous rires. On se souvient de celui qui ponctue joyeusement "Sieranevada", du Roumain Cristi Puiu, ou de ceux provoqués par les roulades cartoonesques du dodu inspecteur Machin dans "Ma Loute", de Bruno Dumont.

Fausses dents et coussin péteur

La blague érigée en mode de vie, c’est même le sujet principal de "Toni Erdmann". Pour sa première participation à la compétition, la réalisatrice allemande Maren Ade, jusqu’alors méconnue hors des frontières de son pays, est parvenue à se faire bidonner les festivaliers. L’histoire est celle d’un père (Peter Simonischek, sorte de sosie allemand de l'acteur français Jacques Weber) tentant de sortir sa fille (Sandra Hüller, candidate sérieuse au prix d'interprétation féminine) de son addiction au travail (elle travaille à Bucarest comme consultante pour des compagnies pétrolières). Pour ce faire, le papa s’invente un double facétieux : Toni Erdmann, vieux loser et roi de la déconne qui ne se sépare jamais de ses farces et attrapes, du type perruques, fausses dents, lunettes fantaisistes et coussin péteur. Un peu comme votre tonton Michel au mariage de la cousine Béatrice.

Tout cela semble bien balourd, mais les situations sont souvent délicieuses, le paternel faisant preuve d’une imagination sans bornes pour bousculer le quotidien affairé de sa fille. Sa spécialité : débarquer à l’improviste dans les cocktails de travail, en se faisant passer pour l’ambassadeur d’Allemagne en Roumanie. La plaisanterie, qui tend toutefois à s’éterniser (2h42 tout de même), finit en apothéose avec un brunch d’anniversaire nudiste et une belle étreinte d’amour père-fille, comme seul le cinéma peut en créer (disons qu’il est question de beaucoup, beaucoup de poils…). Alliage délicat de cocasserie, de poésie et d’émotions, "Toni Erdmann" a cet autre intérêt de placer la comédie allemande, dont on connaît finalement peu de choses, sur le devant de la scène. On ne boudera pas ce plaisir.

Une forte odeur de navet

On ne croirait pas comme ça, mais au marché du film (le plus grand du monde, rappelons-le), on trouve toujours de quoi rire un bon coup. Soyons francs, quand on n’est pas un professionnel de la distribution, on s’y rend surtout pour charrier, non pas des masses d’argent, mais les projets de films dégageant une forte odeur de navet.

Le tour de piste 2016 vaut son pesant de nanars. Sachez que, s’il trouve preneur, "Sharknado 4", avec David Hasselhoff en guest-star, débarquera prochainement sur les grands écrans. À moins que "L’Attaque des donuts tueurs" ne lui grille la politesse. Visite guidée parmi les perles du marché :

 
Précisons toutefois que le marché du film ne se réduit pas aux posters rigolos. Les gazettes spécialisées dans l’industrie du cinéma nous le rappellent tous les jours : c’est à Cannes que se nouent de nombreux projets, de la grosse production hollywoodienne au film d’auteur plus confidentiel.

DSK 2, le retour

On a appris, par exemple, que la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven (dont le "Mustang" a triomphé aux derniers César) s’apprête à tourner, avec la star Halle Berry, un film sur les émeutes raciales de 1992 à Los Angeles. On sait aussi que Marion Cotillard et Johnny Depp seront bientôt réunis pour "The Libertine", un drame inspiré, nous dit-on, de l’affaire Dominique Strauss-Kahn à New York. Plus que discret dans les médias, l’ex-directeur du FMI est une vraie source d’inspiration pour les cinéastes puisqu’Abel Ferrara avait déjà consacré un film à ce sujet ("Welcome to New York"). C’est Gérard Depardieu qui, en mode roue libre, interprétait DSK. Cela avait plus de gueule que Johnny Depp.

Plus surprenant, il se dit que le best-seller "Le Capital au XXIe siècle", de l'économiste Thomas Piketty fera l’objet d’un long-métrage. "L'idée, c'est de faire appel à la littérature, le but ce n'est pas de faire des interviews chiantes d'économistes", a indiqué à la presse le chercheur français présent sur la Croisette. Pour rappel, son essai, écoulé à près de 3 millions d’exemplaires dans le monde, rassemble quelque 970 pages de texte et de graphiques. Bonne chance à Justin Pemberton qui assurera la réalisation du documentaire.