Sept pirates somaliens comparaissent devant la cour d'assises de Paris à partir de mardi, pour avoir tué un skipper français, Christian Colombo, lors de l'assaut de son bateau au large des côtes du Yémen. Sa veuve, Évelyne, a été sauvée.
C'est un procès douloureux : sept pirates somaliens sont jugés à partir du mardi 29 mars en France pour avoir attaqué en 2011 le bateau d'un couple de plaisanciers français, Évelyne et Christian Colombo, et tué l'un d'eux pendant l'assaut.
Retour sur les faits :
8 septembre 2011, 13 h 17 : le bateau baptisé le Tribal Kat lance un appel de détresse. Cinq jours auparavant, le catamaran de 16 mètres avait quitté le port d'Aden, au Yémen, direction le sultanat d'Oman, une zone où les attaques de pirates sont fréquentes. À son bord, Christian et Évelyne Colombo, un couple de Varois qui a tout vendu pour faire un tour du monde.
Quelques heures après l'appel de détresse, une frégate allemande trouve le voilier. Personne à bord, mais des impacts de balles et une mare de sang dans laquelle baignent les lunettes de Christian Colombo.
Le 10 septembre : un navire de guerre espagnol détecte un "skiff" - une embarcation légère -, elle semble suspecte. Les Espagnols tentent d'approcher, mais font volte-face lorsque des pirates exhibent Évelyne Colombo, en la menaçant d'une arme.
L'assaut est finalement donné quelques heures plus tard. Deux pirates sont tués, les autres sont arrêtés. Évelyne Colombo raconte que le corps de son mari a été jeté à la mer. Il ne sera jamais retrouvé et l'acte de décès de Christian Colombo, 55 ans, sera enregistré le 15 novembre 2011.
Les pirates se disent "policier", "chauffeur de taxi", "pêcheur"
Du 29 mars au 15 avril prochains, sept hommes seront jugés par la cour d'assises de Paris pour détournement de navire ayant entraîné la mort, un crime passible de la réclusion à perpétuité. Âgés de 25 à 32 ans, ils se disent "policier", "chauffeur de taxi" ou encore "coolie", porteur. L'un d'eux est "pêcheur", dans des eaux que la surpêche et la pollution ont épuisées.
Évelyne Colombo a été sauvée lors d'une opération militaire
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Lors des interrogatoires, selon une source proche du dossier, les sept hommes ont chargé les deux pirates tués lors de l'assaut, "Shine" et "Abdullahi Yare", désignés comme le chef de l'expédition et son adjoint. Les enquêteurs notent que le second était "vraisemblablement" le tueur, mais que tous les pirates étaient animés par la même "volonté collective" d'attaquer des bateaux et de réclamer des rançons pour les équipages.
Cette volonté de prendre des otages vivants peut expliquer que, des quatre procès de piraterie qui se sont tenus en France, seul celui du Tribal Kat porte sur le meurtre d'un otage. Dans les attaques du Ponant et du Carré d'As en 2008, aucun otage n'était mort. En 2009, c'est une balle française qui avait tué le skipper français du Tanit lors de l'assaut.
Le procès du Tribal Kat devrait être le dernier du genre en France, peut-être même en Europe. Si la Somalie reste ravagée par la guerre, la piraterie au large du pays est en nette décrue, en raison notamment de l'opération militaire Atalante de l'Union européenne, qui court jusqu'à fin 2016.
"Pour qu'ils soient bien jugés, il faudra que la cour comprenne de quel enfer ils viennent"
Il n'est pas certain que tous les accusés puissent comparaître. L'un d'eux, comme d'autres pirates jugés précédemment, a développé en prison une pathologie psychiatrique qui pourrait compromettre son procès, sans remettre en cause sa responsabilité au moment des faits.
Des détentions mal vécues par des détenus déjà accablés par une vie de misère. "La guerre", "la faim" : "Pour qu'ils soient bien jugés, il faudra que la cour comprenne de quel enfer ils viennent", explique l'avocat de l'un des accusés, Martin Reynaud.
"Expliquer" mais pas "excuser", insiste l'avocat, pleinement conscient de la "douleur" des parties civiles, dont la veuve et les deux filles du couple. Évelyne Colombo a vécu 48 heures de cauchemar aux mains des pirates, cachée sous une bâche, trempée par les vagues et menacée.
Avec AFP