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La justice brésilienne a suspendu l'entrée au gouvernement de l'ancien président Lula, dans le collimateur de la justice. Les députés ont lancé une procédure pour destituer la présidente Dilma Rousseff. Dans les rues, la colère gronde.

Les manifestations ne faiblissent pas au Brésil. Jeudi 17 mars, les rues de São Paulo et Brasilia ont été les théâtres de vives tensions entre partisans et opposants à la présidente de gauche Dilma Rousseff. La police a séparé les différents cortèges.

En cause : la décision de la présidente brésilienne de nommer son prédécesseur, l'ancien président Lula, au poste de chef de cabinet du gouvernement, alors que celui-ci est visé par une enquête pour blanchiment d'argent.

Mais à peine intronisé chef de cabinet, ce dernier a vu sa nomination suspendue par un juge de Brasilia, qui l'estimait susceptible de constituer un délit d'entrave à la justice de la part de la présidente, dans la mesure où Lula échappait par la même occasion à la menace d'un placement en détention provisoire dans l'enquête sur le scandale Petrobras, dans laquelle il est visé pour "corruption" et "blanchiment d'argent".

Un tribunal de Brasilia a annulé jeudi soir la suspension de l'entrée au gouvernement de Lula, sans effet concret car un autre juge, de Rio de Janeiro, a entretemps ordonné en référé une suspension identique.

Une conversation entre Rousseff et Lula met le feu aux poudres

C'est la diffusion mercredi soir de l'écoute judiciaire d'une conversation entre la présidente et Lula qui a mis le feu au poudres, renforçant les soupçons et déclenchant des manifestations d'indignation dans les rues. Dans l'enregistrement, Dilma Rousseff expliquait qu'elle allait lui faire rapidement parvenir son décret de nomination pour qu'il s'en serve "seulement en cas de nécessité", ce que beaucoup ont interprété comme une allusion à une arrestation.

Jeudi, le géant émergent d'Amérique latine a semblé vaciller, avec dans les rues des tensions émaillées d'escarmouches entre partisans et adversaires de la présidente, séparés par la police. En soirée, des milliers de personnes ont continué de manifester contre Mme Rousseff à Sao Paulo et Brasilia, où elles s'étaient massées devant la présidence et le Congrès, poussant la police à intervenir à coups de gaz lacrymogène et bombes assourdissantes pour les empêcher d'approcher.

Vendredi, ce sera la gauche qui mobilisera ses forces, cinq jours après les manifestations anti-Rousseff de dimanche ayant rassemblé trois millions de Brésiliens: le Parti des travailleurs (PT, au pouvoir), la Centrale unique des travailleurs (CUT) et d'autres mouvements ont convoqué des manifestations dans plus de 30 villes.

De son côté, Dilma Rousseff s'est insurgée contre les méthodes du juge fédéral Sergio Moro, chargé de l'enquête Petrobras, qui a rendu public l'enregistrement. "Nous voulons savoir par qui et pourquoi a été autorisée et divulguée (cette conversation entre Lula et elle) qui ne contient rien qui puisse susciter le moindre soupçon sur son caractère républicain", a-t-elle affirmé.

Lula, l'homme du miracle socio-économique brésilien des années 2000, attendu comme le Messie par un gouvernement au bord du naufrage, est resté muet jeudi.

Destitution de Dilma Rousseff

De leur côté les députés ont lancé la procédure de destitution de Mme Rousseff: ils ont élu une commission spéciale de 65 parlementaires, chargée de rédiger un rapport préconisant - ou non - sa destitution.

Ce rapport sera ensuite soumis à l'Assemblée plénière du Congrès des députés, où un vote des deux tiers (342 sur 513) serait nécessaire pour prononcer la mise en accusation de la présidente devant le Sénat. Dans le cas contraire, la procédure serait enterrée.

En cas de mise en accusation, Dilma Rousseff serait provisoirement écartée de ses fonctions, pendant 180 jours au maximum. Il faudrait ensuite les deux tiers des sénateurs (54 sur 81) pour la destituer, faute de quoi elle reprendrait immédiatement ses fonctions.

Cette procédure, déjà déclenchée en décembre par l'opposition, avait été freinée par le Tribunal supérieur fédéral (STF), qui en a définitivement fixé les modalités mercredi. L'opposition accuse le gouvernement Rousseff d'avoir sciemment maquillé les comptes publics de 2014, en pleine campagne présidentielle, pour minimiser l'impact de la crise et favoriser sa réélection.

Dilma Rousseff dénonce depuis le début une tentative de "coup d'Etat" institutionnel d'une opposition n'acceptant pas sa défaite électorale de 2014.

Selon les derniers sondages, 60 % des Brésiliens sont favorables à la destitution de Mme Rousseff.

Avec AFP