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Obama défie le Parti républicain en nommant un nouveau juge à la Cour suprême

En décidant de nommer le juge Merrick Garland à la Cour suprême, Barack Obama s'engage dans un bras de fer politique inéluctable avec les républicains. Ces derniers soutiennent que le nouveau juge doit être nommé par le prochain président.

Après plusieurs semaines de réflexion, Barack Obama a annoncé, mercredi 16 mars, son choix pour le neuvième juge manquant à la Cour suprême américaine.

L’heureux élu est Merrick Garland, jusqu’ici juge à la Cour d'appel du district de Columbia, qui fait, depuis des décennies, office de tremplin pour la Cour suprême. Âgé de 63 ans, ce magistrat modéré et expérimenté dont le nom figurait parmi les favoris à la nomination ces dernières semaines est "respecté et admiré" par les élus des deux camps, selon les propres termes du président Barack Obama. "C'est l'homme qu'il faut pour ce poste, il mérite d'être confirmé", a-t-il ajouté.

Toutefois, la décision de l'actuel chef de l'État de nommer un juge à la Cour suprême ne manquera pas d’engager un bras de fer politique avec le camp républicain, qui domine le Congrès, et qui soutient mordicus que le remplacement du juge conservateur Antonin Scalia, décédé en février, devrait attendre l'entrée en fonction du prochain président en janvier 2017. Les républicains ont indiqué qu’ils refuseraient même d'entendre tout candidat proposé par la Maison Blanche, quel que soit son curriculum vitae.

Un enjeu de taille

C'est donc sans surprise que le chef des sénateurs républicains a indiqué mercredi qu'il ne voulait pas d'un nouveau juge à la Cour suprême nommé par un président sortant. Lors de l'élection de novembre, "les Américains pourraient tout à fait élire un président qui décide de nommer" le même candidat, mais "le prochain président pourrait aussi nommer quelqu'un de très différent", a déclaré à Washington Mitch McConnell.

"Une majorité du Sénat a décidé de remplir son rôle constitutionnel (...) en s'abstenant de soutenir une nomination lors d'une année d'élection présidentielle", a lancé de son côté le républicain Chuck Grassley, président de la puissante Commission des affaires judiciaires du Sénat.

Selon la Constitution américaine, les neuf magistrats de la plus haute instance judiciaire, pilier des institutions américaines, avec l'exécutif et le Congrès, sont nommés à vie par le président. Il appartient ensuite au Sénat d'approuver ou non ce choix.

Pour le président américain, qui quittera le pouvoir en janvier 2017, l'enjeu est de taille : la Cour est en effet aujourd'hui partagée entre quatre juges conservateurs et quatre juges progressistes. Le nouveau venu aura donc un poids déterminant et pourrait faire pencher la balance à gauche.

Un blocage inéluctable

L'objectif de Barack Obama est de prendre l'opinion publique à partie et de placer les candidats républicains à l'élection (ou ré-élection) au Sénat dans une position inconfortable. Il peut, pour ce faire, espérer bénéficier de la défiance qu'inspirent les élus du Capitole à nombre d'Américains.

Dans un court texte diffusé mercredi matin, le président a précisé qu’il avait "consacré énormément de temps et de réflexion à cette décision", et "consulté des experts et personnalités de l'ensemble de l'échiquier politique", comme pour mieux insister sur la responsabilité qui pèse désormais sur les épaules des élus du Congrès.

"J'espère que nos sénateurs feront leur travail", a-t-il ajouté. "C'est ce que la Constitution exige et c'est ce que le Américains attendent - et méritent - de leurs dirigeants".

À ce stade, le blocage apparaît toutefois inévitable, les sénateurs républicains ayant ces dernières semaines consolidé leur bloc du refus. Selon le dernier sondage réalisé par le Washington Post et ABC News, 63 % des Américains estiment que le Sénat se doit d'organiser l'audition du magistrat que nommera le président, contre 32 % qui pensent le contraire.

"Laissez la population décider"

La Maison Blanche peut aussi compter sur la mobilisation de centaines d'organisations de la société civile, notamment de défense des libertés et des minorités, qui mènent déjà campagne sur les réseaux sociaux contre les sénateurs frondeurs, avec pour slogan : "Faites votre travail !".

À l’inverse, le camp républicain a profité de ces quatre dernières semaines pour préparer sa riposte, en se campant sur la position des candidats à l'investiture, de Ted Cruz à Donald Trump.

Selon la presse à Washington, la direction du parti a mis en place une machine de guerre médiatique, notamment sur les ondes radio et sur Internet, en passant un contrat avec America Rising Squared, une société spécialisée dans le lobbying anti-démocrate.

Enfin, les lobbys de droite vont déployer une impressionnante force de frappe derrière le mot d'ordre : "Laissez la population décider", en d'autres mots, les électeurs qui désigneront le 8 novembre leur prochain président.

Avec AFP