
Deux mois après le 13-Novembre, la Mairie de Paris et la préfecture de police ont convié, du 15 au 17 janvier, le secteur de l'innovation à imaginer de nouveaux outils pour aider citoyens et services de secours dans les situations d'urgence.
Et si les otages de l’Hyper Cacher réfugiés dans la chambre froide, l’employé de l’imprimerie de Dammartin-en-Goële prisonnier sous son évier ou les rescapés du Bataclan toujours retenus à l’intérieur de la salle de concert avaient eu à leur disposition d’autres moyens que le 17 pour, non seulement prévenir les secours, mais aussi les renseigner et les guider ?
C’est sur cette problématique qu’ont planché le week-end dernier, à Paris, près de 400 personnes réunies à l’école 42, spécialisée dans la programmation informatique, le temps d’un hackathon organisé par la Mairie de Paris et la préfecture de police. D’ordinaire réservé aux geeks adorant se creuser les méninges sur des problèmes de codage, le tout dans un laps de temps prédéfini, le concept du hackathon – contraction des mots "hacking" et "marathon" – a pour l’occasion été légèrement détourné de sa forme d’origine.
Intitulé "Hackathon Nec Mergitur" en référence à la devise de la ville de Paris qui a fleuri un peu partout dans la capitale après le 13-Novembre, ce week-end inédit a mobilisé, du vendredi 15 au dimanche 17 janvier, l’ensemble de la communauté de l’innovation (développeurs, graphistes, designers, spécialistes des bases de données, architectes réseau), mais aussi des chercheurs, des journalistes, des acteurs associatifs, ainsi que les services de police, des secours et de l’État. Tous s’étaient fixé comme objectif, après les attentats qui ont frappé la France en 2015, d’imaginer des nouvelles solutions de prévention, d’alerte et de gestion des crises.
"On a beaucoup parlé après les attentats des difficultés pour les victimes ou les témoins des attaques de contacter la police. Or il existe des technologies, déjà existantes et à trouver, pour mieux protéger ou informer le public", explique dans La Croix Jean-Louis Missika, maire-adjoint de Paris en charge de l'innovation.
Fidèle à l’esprit des hackathons qui exige une obligation de résultats, ce week-end consacré à la sécurité a porté ses fruits. Toute la diversité des besoins qui se posent en cas de crise a été abordée : de la détection en ligne des individus susceptibles de se radicaliser à la diffusion de contre-discours face à la propagande jihadiste, en passant par la coordination des services de secours ou la mise à disposition des plans des équipements accueillant du public aux forces d’intervention.
"Aujourd'hui on appelle le 17, demain on peut envoyer des SMS au 17"
Pour éviter une saturation des lignes d'appels d'urgence, "on propose une solution qui permet de collecter des données sans intervention humaine, de façon automatisée, universelle, rapide. Aujourd'hui on appelle le 17, demain on pourra envoyer des SMS au 17", a ainsi expliqué à l’AFP Jérôme Idelon, porteur du projet SMoS, un système géolocalisé d'envoi d'alertes par textos.
L'envoi du texto lance une conversation simple par SMS. Il permet d'identifier la situation (A. Tirs, B. Incendie, C. Agression, etc.), puis la personne (A. Témoin à distance, B. Témoin sur place, C. En danger, etc.) et enfin de donner des consignes (A. Rester chez soi, B. Pouvons-nous vous contacter, etc.) en attendant une éventuelle intervention.
Autre situation d’urgence, autre idée ayant germé lors de ce hackathon : face au besoin, notamment pour les forces de l'ordre, d'avoir des plans de certains lieux, un groupe de travail a conçu, avec l'assistance de l'IGN (Institut national de l'information géographique), un recensement de plans des lieux accueillant du public et de leurs itinéraires d'évacuation.
Contrairement à un hackethon classique, il n’y a pas eu de vainqueur déclaré ni de bourse. L’esprit du "Hackethon Nec Mergitur" se voulait plutôt rassembleur de bonnes volontés. Dimanche soir, sur les 38 équipes ayant élaboré une solution, 10 d’entre elles ont ainsi été invitées à la présenter et 17 autres ont reçu des "mentions spéciales" du jury.
"Là, l’idée c’est qu’on est dans une démarche citoyenne, a souligné Jean-Louis Missika sur RTL. Ce que nous pensons, c’est qu’il y a des idées nouvelles. Toutes n’iront pas au bout, mais on voit bien qu’il y a des choses à inventer."
Après tant d'efforts, la maire de Paris, Anne Hidalgo, ne souhaite pas que cette initiative reste un coup d’épée dans l’eau. L’ensemble des idées proposées est donc disponible en ligne afin que chacun puisse s’en inspirer et les enrichir. Mais surtout, la Mairie de Paris et la préfecture de police comptent lancer une plateforme "Défense et Sécurité" qui permettra aux équipes retenues lors du hackathon de se voir proposer une incubation. Des partenaires privés et des fonds d’investissement ont d’ores et déjà manifesté leur volonté de mobiliser des financements, tandis que des écoles de design se sont dites prêtes à proposer des accompagnements en ergonomie et en graphisme. Les outils permettant de répondre aux situations de crise pourraient donc bientôt connaître leur révolution.