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De nouvelles manifestations ont eu lieu dimanche en Iran, au lendemain de l'annonce de l’exécution du cheikh chiite Nimr al-Nimr en Arabie saoudite. Un regain de tensions entre chiites et sunnites qui pourrait se propager à la Syrie et au Yémen.

Au lendemain de l’exécution du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr, plusieurs manifestations ont eu lieu en Iran, notamment à Téhéran, dimanche 3 janvier.

Un milliers de protestataires se sont réunis à proximité de l'ambassade de l'Arabie saoudite, dans la capitale iranienne, malgré l'interdiction du gouvernement pour éviter de nouveaux dérapages. Aux cris de "mort à Saoud", du nom de la famille régnante à Riyad, des drapeaux américains et israéliens ont été brûlés. Au même moment, 300 à 400 personnes défilaient place Palestine pour dénoncer l'exécution du dignitaire chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr. D'autres rassemblements ont également eu lieu dans diverses villes du pays.

Le président iranien Hassan Rohani, qui a aussi condamné la mise à mort du chef religieux, a cependant jugé dimanche "totalement injustifiables" les attaques menées la veille contre l'ambassade de l'Arabie saoudite et le consulat saoudien à Machhad (nord-est).

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"L'Iran cherche à se positionner comme le défenseur des intérêts des chiites"

Pour les experts, les tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite provoquées par l'exécution de Nimr Baqer al-Nimr font craindre une escalade de la violence dans les guerres par procuration que se livrent les deux puissances chiite et sunnite, notamment en Syrie et au Yémen.

Jane Kinninmont, de l'institut Chatham House à Londres, affirme que la mise à mort du cheikh va "contribuer à la polarisation saoudo-iranienne". "L'Iran cherche à se positionner comme le défenseur des intérêts des chiites mondialement […] Et les autorités saoudiennes verront dans la réponse iranienne une validation apparente de leur perception que l'Iran se mêle de leurs affaires intérieures", explique la chercheuse.

Les experts notent que l'Arabie saoudite mène une politique étrangère et militaire plus audacieuse et plus affirmée depuis l'avènement en janvier 2015 du roi Salmane et la montée en puissance de son jeune fils Mohammed, propulsé vice-prince héritier et ministre de la Défense.

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Ce changement ne correspond pas aux plans de Téhéran qui, selon Mahjoob al-Zweiri, professeur d'études moyen-orientales à l'Université du Qatar, "avait parié dans le passé sur une politique étrangère et intérieure saoudienne hésitante". Le chercheur ajoute qu'"au cours de l'année écoulée, la donne a complètement changé et Riyad a adopté une position plutôt provocatrice à l'égard de Téhéran".

François Heisbourg, conseiller à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris, confirme cette "fuite en avant" de Riyad. Pour lui, elle n’intervient pas à n’importe quel moment : "S'ils [les Saoudiens ] jugent que la confrontation avec l'Iran est inévitable, autant la provoquer au moment où les Américains sont encore là et où l'Iran est encore dans une situation économique et militaire relativement peu flambante", analyse-t-il.

Crainte d’escalade en Syrie et au Yémen

L'exécution du cheikh Nimr est intervenue alors que des tentatives avaient été menées en décembre pour donner une chance à des règlements politiques en Syrie et au Yémen.

Mais, selon Mahjoob al-Zweiri, la tension provoquée par l'exécution de samedi "pourrait pousser Téhéran à davantage de coordination avec Moscou pour compliquer encore plus la situation en Syrie". Les Iraniens pourraient aussi "prolonger le conflit au Yémen dans le but d'épuiser l'Arabie saoudite, confrontée à l'effondrement des prix du pétrole", ajoute le conseiller.

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Avec AFP