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Attaques à Paris : frapper l’ennemi, se méfier des faux amis

Frappés au cœur, les Français se demandent comment et où il convient de répliquer. Changer la Constitution ? Nos alliances ? Désigner des ennemis intérieurs ? On peut commencer par éviter quelques erreurs.

Que peut-on faire ? À l’effroi et la tristesse que laissera longtemps ce massacre du vendredi 13 novembre, s'ajoute la peur de l’impuissance. Face à un ennemi aussi sournois, face à cette guerre asymétrique, notre devoir est de réagir, de résister, de le frapper de la façon la plus impitoyable. Mais où et comment répondre efficacement sans tomber dans le piège qu’il nous tend ?

La réponse n’est pas simple et il vaut mieux se méfier des solutions toutes faites.
Il est plus facile de commencer par ce qu’il ne faut surtout pas faire, ou ne plus faire.

• D’abord et avant tout, ne pas stigmatiser la communauté musulmane dans son ensemble. S’en prendre à la boucherie hallal du coin, traiter en ennemi nos compatriotes musulmans, c’est installer la guerre civile en France, ce qui, derrière ces attentats barbares, est vraisemblablement l’objectif ultime des terroristes qui espèrent recruter massivement parmi les parias.

• Pas d’amalgame, donc, mais d’angélisme non plus : c’est l’islam qui doit s’adapter à la République et non l’inverse. Il y a beaucoup trop de tolérance dans la communauté musulmane mais aussi dans certaines sphères gauchistes pour des attitudes, des propos qui endoctrinent et préparent le terrain pour les recruteurs. Comme le dit le député socialiste Malek Boutih, auteur d’un rapport sur la radicalisation islamiste, il est temps de créer "une colonne républicaine" au sein de la communauté musulmane qui ferait une chasse systématique aux prêches salafistes et instaurerait une sorte de cordon sanitaire entre les fanatiques et la masse des musulmans.

Il ne s’agit pas seulement de combattre les appels caractérisés à la violence qui sont assez bien réprimés, mais plus largement ces discours contre les dessinateurs, la musique, le sport, les femmes qui sortent de chez elles "parfumées" ou dans des tenues considérées comme provocantes, toutes choses désignées comme autant de perversions diaboliques. Cette idéologie prêchée par de pseudos imams ne doit plus être tolérée. Il faudra bien trouver un moyen d’empêcher sa diffusion car elle sert d’antichambre au terrorisme et se répand aujourd’hui impunément sur internet ou devant des auditoires de jeunes enfants, comme à Brest.

• Ne croyons pas que bombarder le cœur de l’organisation de l'État islamique (EI) sera suffisant pour écraser l’ennemi. Répliquer était un impératif absolu. Mais l’essentiel du combat doit être livré ici, en Europe. Dans les cités où l’on a trop longtemps toléré un islamo-gangstérisme qui entretient les meilleures relations du monde avec l’islamo-terrorisme. Là encore Malek Boutih parle d’or lorsqu’il dénonce la lâcheté des élus de tous bords qui ont trop longtemps fermé les yeux sur les trafics, l’endoctrinement salafiste dans les cités-ghettos, croyant que de les "braves gens" y gagneraient leur tranquillité. Il faut aussi rompre avec cette satanée culture de l’excuse très répandue à gauche. Baignant dans une mélasse faite de haine de soi et de différentialisme culturel, ses adeptes croient dur comme fer que les terroristes se vengent en frappant un pays coupable à leurs yeux de néocolonialisme, de racisme et de discrimination. Cet argument ne tient pas la route comme le montre l’itinéraire des frères Kouachi, qui avaient fait l’objet de toutes les attentions de la République jusqu’à leur majorité. Comme le prouvent aussi ces milliers de Français d’origine maghrébine issus de milieux modestes et qui s’engagent dans la police, dans l’armée ou qui créent des entreprises.

• Ne pas céder à la peur, mais aussi ne pas se laisser manipuler : les premiers résultats de l’enquête laissent penser que l’un des kamikazes du 13 novembre était arrivé en France en possession d’un passeport syrien trafiqué en suivant le chemin des migrants (Grèce, Macédoine, Serbie, Hongrie, Autriche, Allemagne). Notre meilleur allié est notre faculté de raisonner : une organisation telle que l’EI a évidemment les moyens d’infiltrer ses hommes en Europe sans leur infliger un périple dont ils ne sont pas sûrs de sortir vivants. En laissant ces traces derrière ses crimes, elle cherche à nous manipuler et à nous déstabiliser. Cela a déjà commencé si l’on en juge par les nombreux appels à "fermer nos frontières aux réfugiés" fuyant la Syrie, comme si le gros des terroristes se cachait parmi eux. Apporter de l’eau au moulin des partis populistes et extrémistes - surtout à la veille d’élection s- fait aussi partie du plan de l’EI. Le flot de réfugiés qui arrivent en Europe nous pose ne nombreux défis. Il présente évidemment le danger que, parmi ces malheureux, se glissent des gens qui veulent nous tuer. Mais cela ne change rien au fait que nous les accueillons, parce que cela est conforme à nos valeurs et parce que l’alternative serait de les rejeter à la mer.

• Ne pas croire que, pour vaincre, il faut derechef changer notre politique étrangère que l’on peut résumer par "Ni Bachar, ni Daech". Là, c’est surtout à droite (mais pas seulement) que la "poutinomania" latente a encore frappé. Les corps des victimes n’étaient pas encore froids que, par une conception dévoyée du gaullisme, par anti-américanisme ou simplement par opportunisme, des responsables politiques - et non des moindres - ont appelé Hollande à se rallier séance tenante à la position russe sur le conflit en Syrie au motif qu’il n’y aurait pas d’alternative. En résumé, ils nous font croire qu’il faut mettre de côté la question Assad ("On la règlera plus tard") pour faire de lui un allié dans la lutte contre l’EI. Un vrai tour de bonneteau ! Autant accepter d’être perdant à tous les coups.

Dans sa réaction à chaud sur TF1, Bachar al-Assad a essayé de faire croire qu’il était le héraut de la lutte anti Daech et que la France aurait dû écouter ses conseils plus tôt. Il est surprenant que des politiciens d’expérience se laissent encore prendre à l’esbroufe de ce maître en manipulation.

Assad a instrumentalisé Daech (ne serait-ce qu’en faisant sortir de prisons ses adeptes) au point d’en faire le repoussoir absolu et de se présenter aujourd’hui en moindre mal, lui qui a massacré des centaines de milliers de ses concitoyens.

Certes, l’EI occupe une partie importante de la Syrie mais c’est la plus désertique. L’action des forces syriennes loyalistes et de leurs alliés russes s’est contentée, jusqu’ici de contenir son avancée. Assad veut préserver son pouvoir sur la Syrie utile, celle de l’Ouest et de ses principales villes. Les jihadistes, après quelques tentatives infructueuses ont levé le pied. Daech est et restera donc le problème principal des Occidentaux. Pour Assad, il peut en devenir un. Mais pour l’heure, il lui sert de levier. En écoutant son intervention sur TF1, on ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle comportait une menace voilée : tant que vous ne nous écouterez pas, vous vous exposerez à en payer le prix. Rappelons-nous que dans l’histoire récente, à chaque fois que la France s’est mise en travers des intérêts d’Assad père ou fils, elle a été frappée par des actes terroristes…

Croire que, une fois remis en selle, Assad accepterait de céder sa place relève du conte pour enfant. Avoir fait tout cela pour se retirer au moment où il serait enfin victorieux ? Foutaise. La Russie est certes un partenaire auquel il faut parler. À condition de garder à l’esprit que ses objectifs divergeront toujours des nôtres. En Libye elle a accepté de jouer notre jeu, à ses dépens et s’en souvient encore. Elle n’hésitera pas à nous rendre la monnaie de notre pièce. Si nous avons besoin d’alliés pour frapper encore plus fort nos ennemis en Syrie, nous avons l’Otan. Il suffit d’invoquer l’article 5 de la charte qui enclenche la solidarité de l’ensemble des membres de l’organisation, lorsque l’un d’eux est attaqué. Nos alliés nous y invitent. Ce qui nous en dissuade, c’est la crainte de ne pas pouvoir maîtriser l’escalade militaire.