Près de 25 ans après la chute de l'Union soviétique, la Russie entame son devoir de mémoire. Le premier grand musée du Goulag a ouvert ses portes, vendredi, à Moscou. Une mémoire toutefois partielle, les collections s'arrêtant à 1958.
Portes rouillées, morceaux de barbelés, murs de briques sinistres, fenêtres condamnées... Dans le musée d’État sur la terreur stalinienne, tout est pensé pour recréer le sentiment d'enfermement et l'atmosphère angoissante du Goulag.
Dans l’obscurité la plus totale, les visiteurs entendent des verrous qui claquent et l’aboiement des chiens de garde. Ils peuvent aussi observer la carte de "l'archipel du Goulag", cet immense réseau de camps où ont été broyés des dizaines de millions de détenus. Avec ce musée inauguré le 30 octobre à Moscou, la Russie commémore l'une des heures les plus sombres de son histoire.
"Nous avons besoin de cette exposition, non seulement pour les générations précédentes qui ont survécu à cette époque, mais aussi pour les jeunes, afin qu'ils connaissent cette période de l'histoire et qu'ils s'en souviennent", estime ainsi Lev Nolle, l’un des tout premiers visiteurs.
L'impasse sur une partie de l'histoire concentrationnaire
Ce nouveau lieu d'exposition regroupe au total plus de 2 500 photographies, témoignages et artefacts sur quatre étages, nettement plus que le précédent musée du Goulag qui n'occupait que quelques pièces. Mais les collections couvrent uniquement la période jusqu’en 1958 et ignorent les camps politiques qui ont existé jusqu'à la fin de l'URSS. Un choix qui fait polémique.
"Après la mort de Staline, les camps n'ont pas disparu, mais le nombre de détenus politiques ne se calculait plus en millions", justifie Ivanova, la directrice adjointe scientifique du musée.
Dans l'imaginaire collectif, Staline reste aussi la plus grande personnalité de l'histoire russe. Dans le pays, un habitant sur deux estime toujours que la politique du "petit père des peuples" était un mal nécessaire à la réalisation des "Grands Objectifs" de l'URSS. En 2012, Staline est d'ailleurs arrivé en tête d'un sondage concernant les plus grandes personnalités russes, pour son rôle dans la défaite de l'Allemagne nazie face à l'URSS.
"Ce musée du Goulag est sûrement une chose positive, mais la situation est toujours ambiguë", explique ainsi Ian Ratchinski, coprésident de Memorial, une ONG de la défense des droits de l'Homme. "D'un côté, Vladimir Poutine dénonce régulièrement la terreur stalinienne, de l'autre, le ministère de la Culture autorise l'ouverture de monuments à Staline", ajoute-t-il.
Pour preuve, ces derniers mois, deux bustes et un monument à Staline ont été inaugurés par le Parti communiste russe tandis que dans l'Oural, Perm-36, le dernier camp soviétique de prisonniers politiques, qui avait été transformé en musée, a été fermé par les autorités en 2014. Depuis l'arrivée au pouvoir du chef du Kremlin Vladimir Poutine il y a 15 ans, les autorités n'ont jamais organisé de cérémonies officielles pour les victimes des répressions.
Avec AFP