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Dans le viseur des compagnies du Golfe, Air France restera-t-elle française ?

Un plan de restructuration chez Air France pourrait entraîner d'importantes réductions de son activité et de ses effectifs. La menace d'un rachat de la compagnie est même brandie par certains. Mais est-elle fondée ?

En perte de compétitivité face à ses concurrents, Air France devrait présenter un plan de restructuration comportant des coupes sèches dans ses effectifs et d’importantes réductions de ses activités sur certaines destinations. La direction de la compagnie met en cause l’intransigeance de ses pilotes, qui refusent le plan "Perform 2020", incluant davantage d’heures de vol sans augmentation de salaire.

Le PDG d’Air France-KLM, Alexandre de Juniac, a déclaré sur Europe 1 que la porte "n’était pas fermée" à des négociations avec les syndicats "s’ils arrivaient avec une vraie volonté de discuter".

Face à l’impasse des négociations syndicales dans l’Hexagone, le gouvernement français se montre inquiet et appelle les syndicats français à plus de responsabilité. Vendredi, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a demandé aux pilotes de "revenir à la table des négociations avec des propositions qui permettront de retrouver la compétitivité du groupe".

Si les Français du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) ont jusqu’ici campé sur leurs positions, leurs homologues néerlandais de KLM ont signé (presque) sans broncher un gel de salaire avec augmentation du nombre d’heures de vol et le recul de l’âge du départ à la retraite. En échange de cet effort sur leur productivité, ils ont obtenu une place supplémentaire au conseil d’administration du groupe.

Air France restera-t-elle française ?

Interrogé vendredi 2 octobre matin sur France Info, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Bruno Le Roux, a brandi la menace d’un rachat d’Air France par un groupe étranger. "Il y a un risque de disparition du pavillon français aujourd’hui. La compagnie Air France existera très certainement toujours. Est-ce qu'elle sera française ? Est-ce qu'elle ne le sera pas ? On voit aujourd’hui qu'il y a des compagnies, notamment des compagnies du Golfe, qui regardent de notre côté", a déclaré l’élu socialiste, auteur en 2014 d'un rapport sur la perte de compétitivité du transport aérien français.

Un changement de pavillon du groupe est-il réellement à craindre ? "Forcément, c’est envisageable mais à long terme, pas dans le trimestre qui vient", explique Thierry Vigoureux, journaliste spécialiste du transport aérien au magazine "Le Point". François Blanc, journaliste spécialisé dans l’aéronautique, convient également que la menace n’est pas imminente. Il rappelle qu’"officiellement, Air France n’est pas à vendre en tant que compagnie, ni Air France-KLM en tant que groupe". Selon lui, Bruno Le Roux est "dans son rôle d’élu" et ses déclarations sont volontairement "un peu provocatrices", car le sujet est "sensible" pour l’image de la France.

Le spectre du Golfe

"Il n’y a pour l’instant pas d’interlocuteur qui ait signifié un intérêt à racheter Air France", assure Thierry Vigoureux pour qui l’épouvantail d’une compagnie du Golfe est sans doute agité un peu vite : "Les règles de l’Union européenne interdisent à des groupes non-européens de prendre plus de 49 % du capital". Un rachat par une compagnie du Golfe est donc peu probable. Par ailleurs, dans le contexte actuel, "une compagnie aérienne est extrêmement difficile à rentabiliser, même pour celles du Golfe", rappelle François Blanc.

"Chacun espère un déblocage", observe François Blanc. "On n’en est pas encore à voir arriver les compagnies du Golfe. Mais imaginer qu'Air France-KLM s'associe d’ici cinq  ans, sous forme d’alliance ou de fusion, avec un autre groupe européen ne serait pas stupide dans un contexte concurrentiel qui se durcit."

Premiers détails sur la restructuration

La direction d’Air France-KLM doit détailler ses intentions au cours d’un comité central d’entreprise, le 5 octobre. Mais vendredi, le ton a déjà été donné au cours d’un conseil d’administration qui s’est tenu à Paris : quatorze avions sur les 107 que compte la flotte d’Air France seraient retirés d’ici à la fin 2017 et cinq lignes du réseau long courrier seraient amenées à fermer, a rapporté une source syndicale à l’AFP. En outre, 2 900 emplois seraient supprimés : 300 pilotes, 700 personnels navigants (hôtesses et stewards) et 1 900 parmi le personnel au sol, a détaillé un élu CGT cité par l’agence Reuters.