Des centaines de milliers de Brésiliens ont manifesté dimanche pour réclamer de nouvelles élections ou la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, embourbée dans une crise économique et dans un scandale de corruption.
Les organisateurs - des mouvements citoyens de droite soutenus par une partie de l'opposition - ont appelé à manifester dans plus de 200 villes du Brésil le dimanche 16 août. Des centaines de milliers de Brésiliens défilaient dimanche à travers le pays pour réclamer de nouvelles élections ou la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, embourbée dans une triple crise économique, politique et de corruption.
Pour la plupart vêtus de vert et jaune, les couleurs du drapeau brésilien, les participants aux premiers cortèges se sont mis en marche dans la capitale Brasilia (centre), à Belo Horizonte (Sud-Est), Recife (Nord-Est), Salvador de Bahia (Nord-Est) ou Belem (Nord). Ils étaient près de 900 000 selon la police - deux millions selon les organisateurs - à défiler à travers tout le pays.
Arborant des pancartes portant les inscriptions "Dehors Dilma !" et "Non à la corruption!", au moins 25 000 personnes (selon la police) défilaient à Brasilia sur l'Esplanade des ministères en direction du Congrès des députés.
"Nous allons protester jusqu'à la fin. Jusqu'à ce que la présidente tombe. Elle doit s'en aller définitivement et laisser ce pays en paix et libéré de cette mafia du PT (Partido dos Trabalhadores, Parti des travailleurs, le parti de Dilma Roussef)", a déclaré à l'AFP Patricia Soares, une fonctionnaire de 43 ans.
"Pas le Venezuela"
À Rio de Janeiro, qui accueillera dans un an les Jeux olympiques, le parcours de l'épreuve test de cyclisme a été en partie modifié pour permettre le déroulement d'une manifestation le long de la plage de Copacabana.
Des dizaines de milliers de manifestants, selon un journaliste de l'AFP, y chantaient l'hymne brésilien à pleins poumons. Puis entonnaient en choeur : "Dehors Dilma! Ici c'est le Brésil, pas le Venezuela. Olé, Olé, Olé, nous ne sommes pas communistes, nous sommes patriotes, nous allons déloger ces merdes du pouvoir!".
Les manifestants réclament la démission ou la destitution de Mme Rousseff, 64 ans, qui a entamé son deuxième mandat en janvier après une difficile réélection fin octobre.La présidente a vu en quelques mois sa popularité chuter brutalement à un niveau historiquement bas de 8 %.
Elle est confrontée à une triple tempête : la récession économique qui l'a conduite à adopter des mesures d'austérité impopulaires; les révélations dévastatrices du scandale de corruption autour du géant public pétrolier Petrobras qui éclabousse son Parti des travailleurs (PT) et d'autres partis alliés; enfin, une crise politique aiguë qui menace de faire voler en éclats sa fragile majorité parlementaire.
En mars dernier, des manifestations avaient rassemblé au moins un million de personnes, puis 600 000 en avril.
L'ex-guerillera torturée sous la dictature militaire a récemment affirmé qu'elle ne cèderait "ni aux pressions ni aux menaces", rappelant qu'elle tenait sa légitimité du vote populaire.
Deux procédures
Mme Rousseff est sous la menace potentielle de deux procédures. Même si la plupart des juristes estiment que les conditions ne sont pas réunies pour entraîner sa chute.
Le Tribunal des comptes de l'Union (TCU) doit juger prochainement si son gouvernement a enfreint la loi en 2014 en faisant payer aux banques publiques des dépenses incombant à l'État. Si la justice prouve que cela a été le cas, cela pourrait entraîner le lancement d'une procédure de destitution. Celle-ci n'aboutirait que si elle recueillait les votes de deux tiers des députés. Dans ce cas, c'est le vice-président Michel Temer, président du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB) qui assumerait le pouvoir jusqu'aux prochaines élections en 2018.
Le Tribunal suprême électoral devra quant à lui déterminer si les comptes de campagne de la présidente ont été contaminés par de l'argent détourné de Petrobras. Cela pourrait entraîner l'annulation des élections de 2014 et la convocation d'un nouveau scrutin.
"La classe moyenne veut la retirer du pouvoir à n'importe quel prix, mais pour quoi faire? pour mettre qui à la place? [...], s'interroge pour l'AFP André Perfeito, économiste en chef du consultant Gradual investimentos à Sao Paulo. "Au sein du patronat et de l'élite, l'idée est que ce serait encore pire si elle sortait", a-t-il ajouté, en notant qu'en cette période d'ajustement budgétaire et de licenciements, il valait mieux avoir le PT au pouvoir que dans la rue avec les syndicats.
Avec AFP