logo

Avec près de quatre années de retard, 5,8 millions d'électeurs haïtiens sont appelés à élire l'ensemble de leurs députés et deux tiers du Sénat dimanche. Plus de 1 800 candidats sont en lice lors de ce scrutin où des violences sont redoutées.

Les bureaux de vote ont ouvert, dimanche 9 août, en Haïti. Les électeurs doivent élire, avec près de quatre ans de retard, leurs représentants parmi une avalanche de candidatures, alors que des violences ont émaillé la campagne. L'ensemble des députés du pays et les deux tiers du Sénat seront ainsi élus.

Retardés en raison d'une crise profonde entre le pouvoir exécutif et l'opposition, les scrutins ont suscité un engouement historique dans ce pays de la Caraïbe : 128 partis ont été enregistrés par le conseil électoral provisoire (CEP) et pas moins de 1 855 candidats sont en lice pour les 139 sièges à pourvoir dimanche. Cette affluence record suscite des inquiétudes quant au bon déroulement des opérations de vote.

Légalement, chaque candidat peut en effet avoir un mandataire dans chaque bureau de vote de sa circonscription. Mais cette précaution, pour prévenir les fraudes, ne sera physiquement pas applicable dans nombre de bureaux.

Certains sièges de députés, notamment ceux de la capitale Port-au-Prince, sont brigués par une trentaine de candidats : une telle quantité de mandataires ne peut être accueillie dans un espace déjà occupé par les membres du bureau de vote, d'éventuels observateurs internationaux et les électeurs.

"Nous autorisons cinq représentants de partis politiques à assister simultanément aux opérations électorales dans un bureau", a indiqué Pierre-Louis Opont, le président du CEP, lors d'une conférence de presse jeudi. "C'est aux mandataires de réaliser un tirage au sort pour déterminer un roulement dans leur travail d'observation."

Cet arrangement informel inquiète les représentants des petits partis qui craignent un contrôle du processus électoral par les formations dominantes que sont le PHTK (Parti haïtien tet kale) du président Michel Martelly, et Vérité, proche de l'ancien chef d'État René Préval.

Interrogé par France 24, Fritz Calixte, directeur du journal "Haïti Monde" rappelle que le nombre de partis engagés dans l'élection ne signifie pas que les attentes de la population seront satisfaites. "Les partis politiques ne se sont pas préparés pour ces élections. Ils ont passé leur temps à contester et n’ont pas préparé de programme avec des thématiques correspondant aux revendications de la population. Dans la campagne électorale, les problèmes de vie chère ou d’emploi n’ont pas été abordés", souligne-t-il.

it
Beaucoup de candidats mais peu d'électeurs pour les législatives en Haïti

Violences pendant la campagne électorale

Les violences entre partisans assombrissent aussi l'image d'un pays, le plus pauvre du continent américain , qui renoue avec l'ordre constitutionnel.

Le réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a noté qu'"au fur et à mesure que s'approche la date du scrutin, les affrontements verbaux se muent en attaques physiques, en assassinats, en bastonnades".

Dans son rapport publié mercredi, l'organisation parle d'un "climat de terreur" et énumère le bilan tragique à l'issue du mois qu'a duré la campagne électorale : "Neuf affrontements armés, cinq assassinats, deux tentatives d'assassinat, sept blessés par balles, deux blessés à l'arme blanche, dix-sept blessés à coups de pierre et dix cas de bastonnade."

"Les gens n'iront probablement pas voter"

Cette violence, tristement habituelle dans le pays en période électorale, freine également la participation des citoyens aux élections.

"Nous le savons : le taux de participation, surtout quand il s'agit de législatives, est très bas," reconnaît José Enrique Castillo Barrantes, chef de la mission d'observation électorale de l'Organisation des États américains (OEA). "Nous gardons un certain espoir de faire monter ce taux de participation. Nous espérons au moins arriver à 20 %."

Les scrutins législatifs ne présentent par ailleurs pas de grand intérêt. "Les gens n’iront probablement pas voter parce qu’ils se sentent très peu concernés par une classe politique en laquelle ils n’ont absolument pas confiance", estime pour sa part Christophe Wargny, historien et auteur, interrogé par France 24.

Avec AFP