
Le chef des Tigres tamouls, Velupillaï Prabhakaran, a été tué, affirme l’armée sri-lankaise. Sa mort pourrait signifier la fin d’une guerre civile qui déchire le pays depuis 37 ans.
Le fondateur et dirigeant des Tigres tamouls depuis 1972, dont le sort restait un mystère depuis un an et demi, a été tué selon l’armée sri-lankaise alors qu’il tentait de s'échapper de la minuscule poche rebelle du nord-est de l'île, à bord d'une ambulance en compagnie de deux lieutenants. Tombé dans une embuscade tendue par les militaires, il a été abattu, affirme l’armée.
Figure énigmatique, Velupillaï Prabhakaran a fait de l’organisation des Tigres tamouls un mouvement de guérilla entièrement à ses ordres. Depuis trois décennies, les Tigres ont déjoué de nombreuses offensives de l’armée régulière de Colombo. À tel point que leur combat a fait des émules à travers le monde. Au faîte de leur puissance au milieu des années 1990, le LTTE, plus communément appelé les Tigres tamouls, était parvenu à prendre le contrôle du tiers de l’île.
Depuis plusieurs jours, les rebelles séparatistes, que d’aucuns pensaient invincibles, ont reculé sous les coups de boutoir des forces gouvernementales sri-lankaises. Leur contrôle du territoire s’est réduit comme peau de chagrin jusqu’à la reprise totale par l’armée sri-lankaise, annoncée lundi. Si la mort annoncée de Prabhakaran est confirmée, elle pourrait annoncer la fin du mouvement.
Le combat d’une vie
Prabhakaran, 54 ans, est originaire de la région tamoule de Jaffna, dans le nord de l’île. Selon ses dires, l’oppression des civils tamouls par Colombo serait à l’origine de son engagement.
Le Tigre numéro 1 s’est mis hors la loi en 1972 en fondant les Nouveaux Tigres tamouls (TNT). A l’instar d’autres groupes, les TNT combattent le gouvernement en place, dominé par la majorité cinghalaise. Quatre ans plus tard, il rebaptise son groupe Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE).
Sous le commandement de Prabhakaran, et bien avant l’apparition de la nébuleuse Al-Qaïda, les rebelles séparatistes ont perpétré des attentats-suicides et développé le culte de martyr. Les Tigres noirs, ces kamikazes supposément choisis par Prabhakaran en personne, ont longtemps inspiré la crainte. Selon la légende, ces combattants préféraient achever leurs ennemis plutôt que de les faire prisonniers. Grâce à un important réseau international de levée de fonds, les Tigres sont devenus la première armée non-étatique disposant d’une force aussi bien terrestre que navale et aérienne.
D’après certains récits, Prabhakaran demande une loyauté indéfectible à ses hommes et ne leur décerne les honneurs militaires qu’après leur mort. On rapporte aussi que le leader des Tigres, comme les cadres du mouvement, porte en permanence une capsule de cyanure en guise de pendentif, dans le cas d’une éventuelle capture.
En 1975, Prabhakaran est accusé du meurtre du maire de Jaffna. Le premier d’une liste d’assassinats qui lui seront imputés, dont ceux du président Ranasinghe Premadasa en 1993, et du ministre des Affaires étrangères Lakshman Kadigamar en 2005.
En 1991, le leader des Tigres est soupçonné d’être le commanditaire de l’assassinat de l’ancien Premier ministre indien Rajiv Gandhi, dont l’opération de maintien de la paix sur l’île, qui vise à désarmer les rebelles, tourne au fiasco en 1987.
Purges et défections
Des meneurs des mouvements tamouls rivaux des Tigres ont également été assassinés. Malgré tous ces coups de force, la légitimité de Prabhakaran à la tête de l’organisation est de plus en plus contestée. En 2004, l’un des cadres du mouvement, le colonel Karuna, crée une scission.
Le LTTE perd alors la main sur les provinces de l’est, tandis que Karuna se fraye un chemin politique vers le gouvernement sri-lankais. Dès lors, les rangs des Tigres, au sein desquels on trouve davantage de femmes et d’enfants, ne cesseront de se dégarnir au rythme des purges et des défections.
Prabhakaran, dont la position intransigeante a compromis les efforts d’autres organisations tamoules à la recherche d’un accord avec Colombo dans les années 1980, a depuis revu ses objectifs à la baisse.
Autrefois partisan de l’indépendance d’un État tamoul, ses velléités portaient sur l’autonomie des provinces où l'ethnie est majoritaire. Le Tigre numéro 1 a également déclaré un cessez-le-feu en 2001, sous l’impulsion de la mission norvégienne de règlement du conflit. Un geste dans lequel des observateurs ont vu une ruse pour permettre le réarmement de la rébellion.
Pour le gouvernement de Colombo, seule la chute des derniers bastions des Tigres et la capture de leur leader permettent un retour à la sécurité. Le chef de l'Etat devrait annoncer mardi au Parlement la fin officielle du conflit, bien que la fête batte déjà son plein dans la capitale du pays. En trente-sept ans, les violences ont fait plus de 70 000 morts.