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À la dernière minute mercredi, Benjamin Netanyahou est parvenu à présenter un gouvernement, qui ne bénéficie que d'une voix de majorité à la Knesset. Au prix d'un humiliant renoncement : il a cédé à toutes les exigences de l'extrême droite.

Benjamin Netanyahou a eu chaud. Il a réussi à présenter à la dernière minute un gouvernement, mercredi 6 mai, qui ne bénéficie que d'une petite voix de majorité. Un "succès" payé d'une humiliation infligée par ses deux "partenaires" à sa droite, Avigdor Liberman (nationaliste laïc) et Naftali Bennett (nationaliste religieux). Le premier a attendu le dernier moment pour annoncer, à quelques heures de l’expiration du délai légal, qu'il retirait son soutien à la coalition, la réduisant de 67 sièges à 61 (sur 120) à la Knesset. Le second, voyant que le Premier ministre avait littéralement le couteau sous la gorge, a transformé ses exigences en chantage.

Netanyahou n'avait plus d'autre choix que d'accepter ses conditions en bloc : le ministère de l'Éducation pour Bennett lui-même, avec un renforcement du budget d'environ 150 millions d’euros, l'augmentation de la solde des appelés lors de leur dernière année de service militaire, qui renforcera le prestige du chef du parti nationaliste religieux dans l’armée, et surtout le ministère de la Justice pour la numéro deux du Foyer juif, Ayelet Shaked, une extrémiste habituée des formules choc. Elle avait par exemple posté sur Facebook qu'elle voyait "l'ensemble du peuple palestinien comme l'ennemi d’Israël". Une gifle pour Netanyahou qui, jusqu'ici lui refusait obstinément ce poste. Il faut dire que Shaked est son ancienne directrice de cabinet, qui l'avait trahi pour faire équipe avec Bennett. La rancune du mentor était tenace. Mais il n’avait plus guère le choix, sauf à ce qu'on lui passe sur le corps. C'est-à-dire à prendre le risque que le chef de l'État, Reuven Rivlin, charge une autre personnalité de former le gouvernement. L'instinct de survie du Premier ministre, qui commence son quatrième mandat, a été plus fort.

Le prix de la survie est très élevé : avec le ministère de la Justice, le Foyer juif présidera l'importante commission des lois du gouvernement et contrôlera donc l'ordre du jour de la Knesset. Il nommera le futur procureur général responsable de la politique pénale et pourra mettre en œuvre une politique de sape des pouvoirs de la Cour suprême. Bennett et Shaked ne font pas mystère de leur mépris pour le rôle des juges qui contrôlent et censurent des lois, un peu à l’image de la Cour suprême américaine. Leurs décisions sont aussi l'ultime garantie de contre-pouvoir pour les citoyens, et même pour les Palestiniens vivant sous occupation qui ont souvent bénéficié de leurs arrêts dans des conflits avec l'État hébreu. Enfin, avec le portefeuille de l'Agriculture qu'il récupère également, le Foyer juif veillera aussi sur l'allocation budgétaire pour les implantations en territoires occupés.

Netanyahou prépare sa vengeance

Pour l’ancien ambassadeur d’Israël en France, Daniel Shek, proche du parti travailliste, "l'avenir du pays est entre les mains des pires extrémistes", mais c’est aussi "le gouvernement le plus chancelant de notre histoire. Les 22 ministres se détestent mutuellement". Pas seulement en raison de son infime majorité qui l’expose à un vote de destitution surprise à la moindre défection mais surtout, comme l’explique Daniel Shek à France 24, parce que Netanyahou saisira la première occasion pour prendre sa revanche. "Il voudra très vite remplacer Bennett par un autre partenaire, comme le centriste Lapid, voire le travailliste Herzog dont la seule chance de survie politique est d'entrer au gouvernement."

Netanyahou a d'autant plus hâte de "faire payer à Bennett le prix de son chantage", comme l'on dit certains de ses proches au Likoud, qu’il avait anticipé ces élections pour diminuer l’influence de son aile droite, et avait l’impression, à l’annonce des résultats, d'y être entièrement parvenu. Mais il a sous-estimé le pouvoir de nuisance de ses alliés et leur haine mutuelle. Il ne leur pardonnera pas de l'avoir privé de ce qui était considéré par tous comme une belle victoire.

Quoiqu’il en soit, Israël entre dans une période d’instabilité, comme il en a déjà connu de nombreuses dans son histoire. Le pays, qui vit au milieu d’une région agitée par de nombreux dangers, s’enfonce un peu plus dans le marécage de ses mœurs politiques.