
L'ouverture du procès de l'opposante Aung San Suu Kyi a provoqué de vives réactions de la communauté internationale. Xavier Solana, chef de la diplomatie européenne, s'est prononcé pour de nouvelles sanctions contre la junte.
REUTERS - Le procès d'Aung San Suu Kyi a débuté lundi à Rangoun, où l'opposante birmane est jugée pour violation de son assignation à résidence et risque cinq ans de prison, perspective qui a suscité de nouvelles menaces de sanctions internationales contre la junte au pouvoir.
Le régime militaire a fait la sourde oreille aux appels de la communauté internationale qui voit dans ce procès un nouveau moyen de garder Suu Kyi, 63 ans, en détention alors que son assignation à résidence devait prendre fin le 27 mai.
Le tribunal a entendu le policier qui a déposé plainte contre elle, ainsi que deux compagnes de Suu Kyi, a déclaré un responsable de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), formation dirigée par la lauréate du prix Nobel de la paix 1991.
L'opposante, qui a passé 13 des 19 dernières années en détention et a récemment été soignée pour hypotension et déshydratation, ne s'est pas adressée à la cour. Le procès a été suspendu jusqu'à mardi matin, a ajouté ce même responsable.
"Elle paraissait en bonne forme. Elle a dit qu'elle se sentait bien", a déclaré Nyan Win, avocat de Suu Kyi et porte-parole de la LND.
Il a ajouté que sa cliente entendait pour le moment garder le silence et que le procès, sur l'issue duquel il s'est dit optimiste, pourrait durer trois mois. "Nous allons sûrement gagner", a-t-il souligné.
Les autorités ont cité 22 témoins contre Suu Kyi, à qui il est reproché d'avoir enfreint les règles de son assignation à résidence, en ayant laissé un Américain, John Yettaw, entrer dans son domicile.
Cet homme de 53 ans, dont les motivations demeurent floues, est inculpé de charges multiples après s'être introduit chez Suu Kyi. Il avait déjà essayé de la voir le 30 novembre dernier.
Menaces de sanctions
Les mesures de sécurité avaient été renforcées autour de la prison centrale d'Insein, dans la capitale birmane, où Aung San Suu Kyi était détenue dans l'attente du procès et où elle est jugée.
Un partisan de la LND au moins a été arrêté en marge d'un rassemblement qui a réuni environ 200 personnes devant le centre de détention, sous la surveillance des policiers et d'une milice fidèle à la junte. Des officiers en civil ont photographié les manifestants.
La police avait auparavant érigé des barricades de fils barbelés devant la prison des barrages dans les rues alentour, où les commerces ont en outre été fermés.
La LND avait appelé à manifester silencieusement et une vingtaine de rassemblements étaient prévus lundi devant une vingtaine d'ambassades dans le monde entier.
Les avocats d'Aung San Suu Kyi la disent innocente. Ils soulignent qu'elle n'avait pas invité Yettaw à se rendre chez elle et que celui-ci a agi de son propre chef.
Les Occidentaux ont dénoncé ce procès, estimant à l'image du Premier ministre britannique, Gordon Brown, que la junte birmane cherchait "n'importe quel prétexte" pour prolonger sa détention.
Les opposants à la junte birmane accusent les généraux de vouloir empêcher Suu Kyi de conduire son parti aux élections générales prévues en 2010 et perçues par les Occidentaux comme une issue possible à quarante années de dictature militaire.
Les généraux gardent à l'esprit l'écrasante victoire de la LND en 1990 dans le sillage de sa chef de file, même s'ils avaient rejeté les résultats du scrutin et conservé le pouvoir.
Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s'est fait l'écho de ces préoccupations en s'élevant contre "un prétexte et une provocation (...) pour qu'elle ne participe pas aux élections futures".
A Bruxelles, le haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, Javier Solana, a déclaré que les Vingt-Sept devraient envisager de nouvelles sanctions contre le régime militaire de Rangoun, après le renouvellement en avril dernier.
"Ce n'est pas le moment pour adoucir les sanctions, c'est le moment pour les augmenter", a-t-il dit.
Le président américain Barack Obama a pour sa part renouvelé vendredi les mesures prises contre la junte, estimant que les actes et politiques du régime militaire - dont la détention de plus de 2.000 prisonniers politiques - constituaient une menace pour les intérêts américains.