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Les femmes troquées pour l’honneur tentent de faire front (partie 2)

Fuyant les violences domestiques et la tyrannie des lois coutumières, les femmes afghanes cherchent de plus en plus d’aide auprès des quelques centres d’accueil que compte le pays.

Retrouvez la première partie “Fuir les violences conjugales“ en cliquant ici.

Quand les filles paient pour les péchés des hommes

Le secret qui entoure l’existence du centre devrait rassurer Farida. La jeune fille craint que son père, un ancien officier de police afghan, ne réussisse à la retrouver.

“Mon père est un homme très intelligent, c’est pourquoi j’ai très peur qu’il me retrouve”, dit-elle en tirant le foulard blanc de son uniforme scolaire plus bas sur son front.

C’est bien son père qui a exposé Farida à des sévices physiques et sexuels.

Dans le cas de Farida, son père – qui était séparé de sa mère – a entretenu une relation extraconjugale avec une femme. Pour réparer sa faute et laver l’honneur de cette femme ainsi que celui de sa famille, il a tout simplement donné sa jeune fille à son nouveau "beau-frère", âgé de 27 ans.

Selon les règles du Pashtunwali, un code non écrit très ancien qui gère les vies de la majorité du groupe ethnique pachtoune, les femmes sont principalement vouées à être des marchandises pour la réparation de toute une série de crimes et de rancunes.

Si le but premier de telles coutumes est de préserver l’ordre social, peu s’inquiètent du sort de ces femmes troquées pour des questions d’honneur.

“Il m’a tellement battu”, souligne Farida parlant de l’homme à qui elle appartenait. "Quand je pleurais et lui disais ‘Pourquoi me fais-tu cela ? Que t’ai-je fait ?’, il me répondait seulement : ‘Je veux me venger de ce que ton père a fait à ma sœur’."

Le "baad" est illégal en Afghanistan et ceux qui l’appliquent peuvent se faire emprisonnés pendant deux ans. Mais en réalité, le "baad" est très répandu et les poursuites sont rares car les femmes refusent d’engager une procédure contre des membres de leur famille.

Travailler avec, et non contre, la famille

Il reste toutefois difficile de convaincre les femmes de mener des actions en justice. Quand elles savent qu’elles peuvent le faire. Car bien souvent les femmes afghanes "ne connaissent par leurs droits", souligne Huma Safi.

Dans les refuges de WAW à Kaboul et Mazar-e-Sharif, les résidentes peuvent consulter des conseillers juridiques qui les aideront dans leurs démarches (divorce, poursuites judiciaires, etc.).

Mais pour les employés du refuge, la vraie difficulté est de pouvoir assurer un avenir aux résidentes.

En Afghanistan, il est virtuellement impossible pour une femme de vivre seule, sans la protection de sa famille et plus particulièrement de ses parents. Aussi les responsables de centres continuent-ils de suivre les femmes qui ont rejoint leur famille. Ou qui en fondent une.

Les femmes du centre peuvent envisager de se marier grâce à l’organisation qui les aide à trouver un prétendant. Les futurs mariés sont rigoureusement sélectionnés et leur candidature est approuvée par les employés du refuge. Ce sont majoritairement des hommes qui ne peuvent offrir la dot traditionnellement offerte à la famille de la mariée.

Ce n’est pas une solution classique, mais en Afghanistan, les défenseurs des femmes doivent savoir s’adapter. "En Occident, vous pouvez trouver des femmes célibataires qui vivent seules, mais ici ce n’est pas possible, constate Safi. Nous devons travailler avec les familles. Il y a encore tellement de choses à faire pour les droits des femmes afghanes. Nous ne pouvons pas abandonner ce combat."

*Le prénom a été changé.