La Turquie et les États-Unis veulent former et armer un nouveau contingent de rebelles syriens modérés dès les prochaines semaines, malgré les nombreuses questions qui demeurent sur les chances de succès de l'opération.
C'est dès le début du mois de mars que doit commencer le programme américano-turc de formation et d'équipement des rebelles syriens modérés, signé jeudi 19 février, a annoncé vendredi le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu.
Pour Wassim Nasr, spécialiste des groupes jihadistes à France 24, ces déclarations suscitent plus de questions que de réponses. "Qui vont-ils armer ? Les bénéficiaires de cette aide ont-il une assise territoriale et populaire qui leur permette de tenir le coup ?", se demande-t-il.
Les enquêteurs de l'ONU signalent une "hausse exponentielle" des crimes de guerre en Syrie et appellent le Conseil de sécurité à renvoyer des centaines de suspects devant la Cour pénale internationale ou, à défaut, à créer un tribunal spécial. La Commission d'enquête internationale sur la Syrie se dit également prête à communiquer des informations aux pays pouvant engager des poursuites contre les personnes accusées de violations du droit international dans le conflit syrien et à publier sa liste de suspects lors du prochain Conseil des droits de l'Homme de l'ONU le 17 mars.
(AFP, Reuters)
Dans le passé, les gouvernements turc et américain ont déjà aidé deux factions syriennes opposées à la fois au gouvernement du président Bachar al-Assad et aux groupes jihadistes d'inspiration islamiste. Wassim Nasr rappelle qu'elles ont malgré tout été battues par le Front al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda.
"Les armes ont fini dans les mains d'Al-Qaïda"
"Toutes leurs armes, notamment des missiles antichars modernes TOW de fabrication américaine, ont fini dans les mains d'Al-Qaïda qui les a utilisées ne serait-ce qu'aujourd'hui au nord d'Alep, lors d'une grande offensive contre l'armée syrienne", explique-t-il.
La fourniture d'armes aux rebelles syriens modérés par la frontière turque semble d'autant plus difficile que son versant syrien est sous le contrôle de différents groupes jihadistes – à l'exception de poches kurdes que la Turquie se montre réticente à soutenir depuis le début du conflit.
"Pour les Turcs, la menace principale reste les Kurdes du PKK qui ont fait 40 000 morts en Turquie", rappelle Wassim Nasr. La branche syrienne du PKK, appelée YPG, est alliée au gouvernement de Bachar al-Assad.
L'expert de France 24 estime donc qu'il y a une "divergence totale entre la vision turque et la vision américaine : pour les Américains, la priorité est de combattre l'organisation de l'État islamique et les jihadistes d'Al-Qaïda, alors que pour les Turcs, la priorité est de combattre le régime de Bachar Al-Assad".