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"The Smell of us" : la jeunesse parisienne entre sexe, drogue et argent

Chaque mardi, France 24 se penche sur deux films qui sortent en salles. Cette semaine, le pot-pourri subversif et sensoriel "The Smell of us" de Larry Clark, et le drame rédempteur "Wild" de Jean-Marc Vallée.

"Je suis le pire dans ce que je fais de meilleur / Et je me sens béni pour ce don / Notre petite bande a toujours existé / Et existera toujours jusqu’à la fin", chantait il y a près de 25 ans Kurt Cobain, dans ce qui deviendra le tube interplanétaire "Smells like teen spirit" ("Ça sent l’esprit adolescent").

Il aura donc fallu que le titre du dernier film de Larry Clark, "The Smell of us", fasse écho à la célèbre chanson de Nirvana pour qu’on y trouve la plus fidèle définition des obsessions du cinéaste américain : l’adolescence, son esprit grégaire, son sentiment d’invulnérabilité, son insouciance mâtinée de désespoir, ses pulsions de vie et de mort.

À 72 ans, le réalisateur des remuants "Kids" et "Ken Park" n’a en effet toujours d’yeux que pour cet âge de tous les possibles et de tous les excès. Mais c’est à Paris qu’il a, cette fois-ci, baladé sa caméra. D'ordinaire circonscrite aux États-Unis, la filmographie de Larry Clark s’autorise pour la première fois une échappée là où on ne l’attendait pas forcément. Loin du sordide des quartiers défavorisés des villes américaines, "The Smell of us" se déroule dans le très huppé XVIe arrondissement de la capitale française, à deux pas du Trocadéro plus précisément, où de jeunes skaters se retrouvent chaque jour.

Un film qui sent le soufre, mais qui sonne faux

Ils s’appellent Math, Pacman, Marie ou encore JP et forment une bande hétéroclite d’ados dont on ne sait pas toujours ce qui les lie, si ce n’est le frisson de l’interdit. Pas tout à fait amis, pas tout à fait amants, ils se livrent, loin du regard de leurs parents mais sous l’œil omniprésent de la caméra de Toff qui filme tout, à des activités que la morale réprouve. Drogue, prostitution, orgie sexuelle, vandalisme… "The Smell of us" déploie tout l’éventail des actes de révolte juvénile.

L’escapade française de Larry Clark sonnera cependant faux à quiconque voudra y voir une volonté de décrire, à la manière du documentaire, la jeunesse parisienne d’aujourd’hui. À aucun moment son long métrage n’a l’ambition sociologique d’ausculter une bourgeoisie en mal de sensations fortes. Non, "The Smell of us" (littéralement "L’odeur de nous") est un film sensoriel, un expérience de cinéma incandescent qui réussit l’exploit de transcender l’un des sens les plus mal-aimés du grand écran : l’odorat. L’odeur des corps en transe, l’odeur des pieds qu’un fétichiste lèche abondamment devant la caméra, l’odeur d’essence brûlée d’une voiture incendiée, l’odeur de l’argent sale mais facile.

Quant à l’odeur du soufre, elle inonde abusivement le film. Et place de manière systématique le spectateur dans une situation inconfortable. Que retenir, au bout du compte, de cette scène de débauche virant au supplice pour un vieil homosexuel ou de cette séquence d’effusion maternelle, à la limite de l’inceste, qu’une bourgeoise alcoolique (Dominique Frot) inflige à son fils (Lucas Ionesco), sinon qu’elles n’ont d’autres fonctions que d’ajouter l’excès à l’excès. À force de désordre, de désolation et de folie, "The Smell of us" confine au pot-pourri subversif, qu’une fragrance d’espoir aurait rendu plus digeste.

"The Smell of us" de Larry Clark, avec Lucas Ionesco, Diane Rouxel, Hugo Behar-Thinières, Maxime Thérin, Larry Clark… (1h28)

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