
Plus de 400 sites spécialisés dans le trafic de drogue et le blanchiment d’argent, hébergés sur le réseau sécurisé Tor, ont été fermés. Les policiers ont aussi arrêté 17 personnes vendredi.
Ils avaient des noms évocateurs : Cannabis Road, Black Market, Fast Cash, Cash Machine ou encore Silk Road 2. Tous ces sites, soupçonnés d’être liés au trafic de stupéfiants ou au blanchiment d’argent, ont commencé à disparaître les uns après les autres depuis le jeudi 6 novembre.
Ils font partie des plus de 400 noms de domaine saisis au cours d’une vaste opération internationale baptisée “Onymous”. L’office européen de police criminelle Europol, le FBI et le Department of Homeland Security (Département américain de la sécurité nationale) ont annoncé, le vendredi 7 novembre, que 17 personnes avaient été arrêtées dans plusieurs pays au cours de ce coup de filet visant la vente de drogues sur Internet.
"Nous reviendrons aussi souvent que nécessaire"
Dès jeudi, les autorités américaines avaient rendu publique l’arrestation de Blake Benthall, un Californien de 26 ans, accusé d’être à la tête du site Silk Road 2.0. Un coup très dur pour le trafic de substances illégales en ligne. Silk Road est considéré comme étant le plus grand bazar en ligne de stupéfiants. La version 1 de cet “Amazon” de la drogue avait généré des centaines de millions de dollars de chiffre d’affaires, avant d’être fermée en 2013 par le FBI après une traque de plus de deux ans. Un mois plus tard, le site controversé renaissait de ses cendres et ses nouveaux maîtres avaient assuré qu’il était dorénavant intouchable.
Raté. “Soyons clair, tous ceux qui voudront reprendre le flambeau doivent savoir que nous reviendrons aussi souvent que nécessaire, et que nous ne nous fatiguerons pas dans notre lutte contre ces bazars criminels en ligne”, a assuré Preet Bharara, le procureur de Manhattan, dans un communiqué.
La chute de Silk Road 2.0 n’était toutefois que la partie visible de l’iceberg. L’opération “Onymous” est, en fait, un grand coup de balai dans l’un des recoins réputé comme étant le plus anonyme et le mieux sécurisé du web. Tous les sites fermés par les autorités avaient en commun d’être hébergés sur le réseau Tor, ce qui les rend invisibles au commun des internautes car ils n’existent pas aux yeux de Google & Co.
Coup dur pour le réseau Tor ?
Pour visiter la myriade de sites qui ont élu domicile sur le réseau Tor, il faut, en effet, utiliser un navigateur spécifique et connaître l’adresse des pages sur lesquelles on veut se rendre. C’est, aussi, un paradis pour tous les défenseurs de l’anonymat en ligne car il est impossible - ou presque - de remonter techniquement jusqu’au propriétaire d’un site sur Tor.
Pour cette raison, ce réseau a rapidement gagné la réputation d’être un repaire pour cybercriminels en tout genre qui cherchent à opérer en toute tranquillité. Pourtant, historiquement, le réseau Tor a été crée par les services américains de renseignement pour mettre en place un système sûr de communication avec des personnes vivant dans des régimes répressifs. Il est, d’ailleurs, encore beaucoup utilisé par des journalistes ou des activistes qui veulent échapper à toute cybersurveillance.
Le temps de cette cyber tranquillité est-il révolu ? C’est la question posée en creux par l’opération “Onymous”. Le FBI et les autres polices n’ont pas voulu expliquer comment ils avaient réussi à localiser les serveurs et les propriétaires de tous ces sites sur un réseau construit, justement, pour éviter ça. “Nous ne pouvons pas partager avec le monde la manière dont nous avons procédé car nous comptons bien recommencer, encore et encore”, a assuré au site spécialisé dans les nouvelles technologies Wired, Troels Oerting, directeur de l’European Cybercrime centre (EC3). “L’ampleur de l’opération peut laisser penser que les enquêteurs ont trouvé une faille dans ce réseau jugé impénétrable”, assure de son côté la chaîne britannique BBC.
L’organisation Tor project, sorte de gardien de ce réseau anonyme, ne veut pas y croire. “Je pense que c’est du bon vieux travail de terrain de la police qui a permis d’identifier des personnes ou des organisations qui ont des activités criminelles sur ces sites cachés et non pas l’utilisation d’une soi-disant faille”, affirme Andrew Lewman, l’un des directeurs de Tor project.
Reste à savoir si lors de la saisie des serveurs, les autorités ont aussi récupéré des informations sur les acheteurs de ces produits illicites. Ce qui pourrait se traduire par une floppée de nouvelles arrestations.