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Commission européenne : un oral difficile pour certains candidats

Le Parlement européen fait passer cette semaine le grand oral aux membres de la future Commission. Parmi les 27 candidats passés sur le gril, au moins cinq suscitent la polémique.

La semaine s'annonce intense pour l'équipe du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Les 27 membres de la Commission européenne vont être auditionnés devant le Parlement pendant trois heures chacun. Mais l’exercice pourrait s’avérer plus délicat pour certains, dont la nomination est controversée. Désignés suite à de savants arrangements entre les États membres, ils ne font pas toujours figure de candidat idéal. Portrait de cinq maillons faibles.

Miguel Arias Canete

Il est le candidat le plus controversé : l'Espagnol Miguel Arias Canete, désigné pour gérer l'Énergie et le Climat, cumule à lui seul conflits d'intérêt et propos sexistes. Son plus grand fléau a été d’avoir vendu, le 18 septembre dernier, les participations qu'il détenait dans deux entreprises pétrolières pour un montant évalué à plus de 400 000 euros. Cela n’a toutefois pas suffi à faire taire les critiques : les Verts, qui le jugent "plus compétent sur le pétrole que sur les énergies renouvelables", ont adressé un courrier à Jean-Claude Juncker pour dénoncer un maintien de conflit d'intérêts. Ses proches seraient restés actionnaires dans ces sociétés.

Ce conservateur est aussi dans le collimateur de la gauche pour ses propos sexistes tenus pendant la campagne des élections européennes où il a notamment évoqué sa "supériorité intellectuelle" face à une candidate socialiste. 

Si son éviction pure et simple semble peu probable en raison d’un "pacte" conclu entre sa formation, le Parti populaire européen (PPE, droite) et les sociaux-démocrates (S & D, gauche), il pourrait en revanche devoir changer de portefeuille.

Pierre Moscovici

Imposé à la suite d'un accord entre Angela Merkel et François Hollande au poste de commissaire aux Affaires économiques et monétaires, Pierre Moscovici a du mal à convaincre, même au sein de son groupe parlementaire. Beaucoup s'interrogent sur les compétences de l'ancien ministre des Finances français : comment faire respecter le pacte de stabilité et de croissance alors qu'il n’a pas réduit le déficit budgétaire de son pays ? Le Français devra donc se montrer infaillible lors de son audition de trois heures, jeudi 1er octobre, notamment devant les députés des pays du Sud, qui ont consenti de lourds efforts pour assainir leurs finances publiques. Néanmoins, il sera difficile d’attaquer sur les compétences de celui qui a défendu l’Union bancaire et de nombreux projets européens.

Jonathan Hill

La nomination de cet eurosceptique modéré aux services financiers a créé la surprise. La gauche, elle, y a vu "une provocation". Quoiqu’il en soit, elle est apparue comme une concession majeure faite à la Grande-Bretagne, qui s'est toujours battue contre toute forme de régulation. Sans compter que le Premier ministre britannique, David Cameron, a promis de tenir un référendum d'ici 2017 sur le maintien du pays au sein de l'Union européenne (UE).

Lors de son audition, mercredi, Jonathan Hill doit donc s'attendre à être "chahuté". "Il n’a ni l’indépendance vis-à-vis de son pays, ni la compétence sur son portefeuille, ni l’esprit européen nécessaires au poste", affirme l'eurodéputé belge Philippe Lamberts (Verts). Jean-Claude Juncker lui a toutefois enlevé une épine du pied en transférant à la Justice le contrôle des règles européennes sur le plafonnement des bonus des banquiers, qui sont déjà contournées par la City. Il ne sera donc pas attaqué sur ce point-là.

Tibor Navracsics

Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement du populiste Viktor Orban, le Hongrois Tibor Navracsics a été désigné à l’Éducation, la Culture, la Jeunesse et la Citoyenneté. Ce dernier aspect du portefeuille interpelle de nombreuses associations des droits de l'Homme puisque Tibor Navracsics a été l'artisan de réformes jugées liberticides durant son mandat (2010-2014). Son oral pourrait s'avérer tendu face à des députés très soucieux de défendre les valeurs fondamentales de l'Europe. Mais ses proches le décrivent comme un politicien expérimenté qui "connaît le problème des Roms mieux que personne et qui a milité pour les jeunes contre les abus policiers".

Corina Cretu

Choisie pour s'occuper de la politique régionale au dernier moment dans le but de féminiser l'équipe, Corina Cretu a un parcours professionnel impressionnant : économiste de formation, ancienne journaliste, conseillère de Ion Illiescu (premier président Roumain après la chute du régime communiste de Ceaucescu), sénatrice et eurodéputée.
Pourtant, cette Roumaine reste connue pour l'affaire du célèbre hacker roumain Guccifer, qui a rendu public ses emails passionnés envoyés l'ancien secrétaire d'État américain Colin Powell. Son profil fera aussi l’objet d’une attention toute particulière du Parlement en raison de ses liens supposés qu'elle aurait eu avec le KGB.

Les rapports de ces auditions seront soumis au Parlement européen qui doit approuver ou non l'ensemble de la Commission le 22 octobre.