
Dimanche, à Notre-Dame de Chaldée, à Paris, une messe a été célébrée en présence de chrétiens irakiens arrivés jeudi en France, après avoir obtenu un visa d’asile. Parmi eux, Nabil Younan, qui revient pour France 24 sur la situation dans son pays.
Dimanche 10 août, l’église irakienne Notre-Dame de Chaldée du 18e arrondissement de Paris s’est remplie pour prier en faveur des chrétiens d’Orient et accueillir des coreligionnaires irakiens qui, comme d’autres minorités – et notamment les Yazidis –, ont fui les persécutions de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Au premier rang, Nabil Younan, 51 ans, est un chrétien originaire de Mossoul. Il est arrivé jeudi 7 août à Paris en compagnie d’une dizaine de membres de sa famille, dont son épouse Bassima Hazim et ses deux enfants, Yousif, 16 ans, et Raghda, 19 ans.
"Visa d’asile" ou la mort
Nabil Younan est le neveu de l’archevêque de Mossoul, Monseigneur Faraj Raho, enlevé le 13 mars 2008 dans cette ville et retrouvé assassiné. Peu après l’enlèvement, Nabil Younan a échappé à une tentative d’assassinat devant chez lui. Il a d’abord fui pour Bagdad, avant de se réfugier à Damas, en Syrie. Il y a six mois, il est retourné s’installer dans la capitale irakienne dans l’attente d’un visa pour la France.
Après la prise de Mossoul, la deuxième ville d'Irak, tombée le 10 juin aux mains de l'EIIL, et l'ultimatum des djihadistes leur donnant quelques heures pour se convertir ou quitter les lieux, les chrétiens ont commencé à fuir en masse. Le 28 juillet, dans un communiqué commun, les ministères français des Affaires étrangères et de l’Intérieur ont annoncé que la France était prête à "favoriser l’accueil" des chrétiens d’Orient dans l’Hexagone "au titre de l’asile". Nabil Younan et sa famille ont pu bénéficier de l’accélération de leur demande de visa, déposée une première fois il y a plus de trois ans. Ils vivent pour l’instant dans un centre de transit à Créteil, à l’est de Paris, une solution temporaire en espérant prochainement trouver un logement.
En Irak, l'exode des chrétiens n’est pas nouveau. Il a commencé après l’invasion américaine du pays en 2003. Avant cette première vague de departs, les chrétiens étaient 1,5 million dans le pays, soit un peu plus de 5 % de la population, selon les responsables de la communauté. En 2013, ce chiffre avait chuté à moins de 450 000.
Avant 2003, Mossoul, deuxième ville d’Irak, accueillait à elle seule 60 000 chrétiens, selon le patriarche Louis Sako, chef de l’Église catholique chaldéenne. En juin 2014, peu avant la prise de la ville par les djihadistes de l’EIIL, ils n’étaient plus que 35 000. Mais après le 17 juin, Louis Sako a déclaré : "Pour la première fois dans l'histoire de l'Irak, Mossoul se vide de ses chrétiens."
Nabil Younan espère "commencer une nouvelle vie en France" avec sa famille. Il raconte la peur pour ses "frères" restés en Irak, dont il est sans nouvelles. "Tous sont dans l’exode. Ils sont confrontés à la mort chaque jour", explique-t-il.
Il faut "envoyer des soldats au sol"
Laurent Fabius, était en visite éclair en Irak, dimanche. Depuis Bagdad, le ministre français des Affaires étrangères a appelé à l'unité pour "mener la bataille contre le terrorisme". Il s’est peu après envol pour Erbil, au Kurdistan irakien. Face à l’avancée des djihadistes, les États-Unis ont, eux, opéré plusieurs frappes sur des positions de l’EIIL. La France et le Royaume-Uni se sont dits d’accord "pour soutenir l’effort humanitaire en Irak".
Selon Nabil, "aider le Kurdistan ne peut être qu’une solution temporaire", estime Nabil. "Ce sont les grandes puissances qui peuvent sauver les chrétiens d’Orient. Il faut agir concrètement en envoyant des soldats au sol pour combattre les djihadistes", explique le réfugié chrétien, souhaitant une intervention occidentale. Dans la journée, le président du Kurdistan, Barzani a appelé la communauté internationale à lui fournir des armes pour combattre les djihadistes ce qui ne semble pas encore à l’ordre du jour.
"Aucun chrétien n’a renoncé à sa foi"
Dimanche, dans l’église chaldéenne du 18e arrondissement de Paris, les allocutions se sont succédées en arabe, en araméen, et en français. Raphaël Kutaimi, évêque de Bagdad arrivé en France il y a trois ans, a pris la parole. En 2010, il officiait dans sa cathédrale lorsque des hommes en armes ont fait irruption, tuant froidement 45 personnes. Blessé lors de l’attentat, il s’est réfugié en France où il a depuis élu domicile.
"N’ayons pas peur des difficultés et des persécutions. Nous, chrétiens, devons souffrir, supporter les difficultés et les malheurs", a regretté Monseigneur Kutaimi. "Tous les chrétiens qui ont quitté Mossoul sont restés chrétiens. Aucun n’a renoncé à sa foi. Grâce à Dieu, aucun n’est devenu musulman. C’est une grande joie pour nous", s’est-il félicité.
Reste que ces derniers jours, après la prise de Qaraqosh et d'autres zones autour de Mossoul, 100 000 chrétiens supplémentaires ont dû fuir, selon le patriarche chaldéen Louis Sako.