
L'Icann, qui gère les noms de domaine sur la Toile, refuse que des familles de victimes d'attentats saisissent, en réparation, les extensions Internet de l'Iran, la Syrie et la Corée du Nord, accusés d'avoir soutenus des actes terroristes.
L’Iran, la Syrie et la Corée du Nord viennent de se trouver un allié de circonstance surprenant. L’Icann, l’organisation basée aux États-Unis qui gère les noms de domaine sur Internet, s’est opposée, mardi 30 juillet, à ce que des parents de victimes d’attentats saisissent les extensions Internet en .ir (Iran), en .sy (Syrie) et en .kp (Corée du Nord).
Cette institution, souvent accusée de favoriser les intérêts américains, conteste ainsi une injonction judiciaire d’un tribunal américain lui demandant d’aider les plaignants à prendre le contrôle de ces noms de domaines géographiques. Une soixantaine de personnes avaient obtenu cette décision judiciaire fin juin. Ils réclament plus d’un milliard de dollars aux trois pays visés et cherchent à saisir aux États-Unis tous leurs avoirs, dont les .ir, .sy et .kp.
Des noms de domaines pour indemniser les proches de victimes d’attentat ?
Cette demande peut paraître étonnante, mais c’était l’une des dernières cartouches des familles qui essaient depuis plus de dix ans, pour certaines, d'obtenir réparation de l’Iran, la Syrie et de la Corée du Nord. Tout a commencé en 2003, avec la condamnation par contumace de l’Iran à payer plus de 100 millions de dollars aux proches de victimes d’un attentat du Hamas en Israël. La justice avait alors estimé que l’Iran, en tant que "sponsor" du mouvement islamiste palestinien, pouvait être tenu pour responsable. En 2005, c’est au tour de la Syrie d’être condamnée pour avoir soutenu, dans les années 1990, des actions violentes du PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan). Enfin, la Corée du Nord est aussi reconnue coupable, en 2010, d’avoir apporté un soutien logistique à l’attaque meurtrière de l’aéroport de Lod (Tel Aviv), perpétrée par l’Armée rouge japonaise en 1972.
Autant de condamnations qui n’ont pas rapporté grand chose aux familles des victimes. Elles ont eu le plus grand mal à mettre la main sur des biens appartenant à ces États aux États-Unis. L’une de leurs rares victoires a été la saisie, en 2006, d’une maison d’une valeur de 400 000 dollars appartenant au fils du défunt Shah d’Iran.
Avec la montée en puissance d'Internet, les noms de domaine sont apparus comme des cibles de choix. Après tout, à chaque fois qu’une personne dépose ou renouvelle une adresse en .ir, .sy ou .kp, elle doit verser une certaine somme à celui qui gère ces noms de domaine. Pour l’heure, des sociétés qui dépendent du pouvoir en place collectent cet argent dans les trois pays visés.
Un non-sens économique ?
Alors pourquoi l’Icann s’oppose-t-elle à la demande des plaignants qui "établirait un précédent historique dans l’histoire d'Internet", comme l’avait qualifié le site technologique Betabeat en juin dernier ? L’organisation a beau assurer "éprouver de la sympathie pour la cause [des familles des victimes, NDLR]", elle juge la requête juridiquement infondée et économiquement totalement contre-productive.
Pour ces maîtres des clefs d’Internet, les extensions géographiques ne peuvent pas être considérées comme des avoirs qui appartiennent à une nation car elles sont nécessaires au bon fonctionnement d'Internet pour tous. De ce fait, elles ne peuvent pas être traitées comme des comptes en banque ou des maisons.
En outre, l’Icann explique dans sa réponse que le transfert de propriété de ces extensions aux plaignants l’obligerait techniquement à fermer toutes les adresses qui se terminent en .ir, .sy et .kp. Celles-ci "n’auraient alors plus aucune valeur économique pour leurs nouveaux propriétaires, et ce transfert ne ferait que détruire une ressource utilisée par toute la communauté des utilisateurs d'Internet", affirme l’Icann.