logo

Reportage : le Kurdistan irakien en proie à une vaste pénurie d’essence

Les combats en Irak ont provoqué une vaste pénurie d’essence au Kurdistan irakien. Les envoyés spéciaux de FRANCE 24 se sont rendus à Khabat, près de Mossoul, où le carburant est désormais une denrée rare.

Depuis près d’une semaine, la raffinerie de Beiji, la plus importante d'Irak, est le théâtre de combats entre les djihadistes de l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) et l’armée irakienne. Ces installations représentent le quart des capacités de raffinage de pétrole du pays et sa production est entièrement destinée à la consommation intérieure, notamment pour le Nord du pays.

>> À lire sur FRANCE 24 : Qui sont les peshmerga ?

Avant le début des combats, un tiers de l'essence consommée au Kurdistan irakien provenait de Beiji. Depuis, la région toute entière est en proie à une vaste pénurie d'essence. À Khabat, une localité située à une quarantaine de kilomètres de Mossoul, la deuxième ville du pays tombée aux mains des djihadistes, les files d’attente aux stations-service se sont allongées. Certains clients patientent jusqu’à quatre heures pour faire leur plein.

Face à cette situation de crise, les tensions sont démultipliées, à tel point que la police et les peshmerga (combattants kurdes) ont été déployés sur les lieux. En fin de semaine, une émeute a éclaté alors que la station fermait, faute de réserves suffisantes, rapportent les envoyés spéciaux de FRANCE 24 sur place.

Plus d’essence à Mossoul

En raison de la pénurie et des combats, la demande a explosé. Les peshmerga ont besoin d'essence pour leurs véhicules et la région abrite désormais plus de 300 000 déplacés. Surtout, les habitants des villes voisines sont eux aussi contraints de venir jusqu’ici pour espérer récupérer un peu de carburant.

Abou Ibrahim, habitant de Mossoul, vient de faire quarante kilomètres pour faire le plein. "À Mossoul, on manque de tout. Il n'y a pas d'essence, pas d'eau, pas d'électricité. On n'a plus rien. Tout le monde a fui vers le Kurdistan et ça a créé une crise ici. Avant, ce n'était pas comme ça. Il n'y avait pas de problème avec l'essence ici. Mais depuis une semaine, c'est comme ça", explique-t-il.

Même son de cloche chez les professionnels du transport. Ali Ahmad, chauffeur de taxi, est confronté aux mêmes problèmes. "Les djihadistes ont pris Mossoul, il y a eu des combats et maintenant il n'y plus d'essence là-bas. Maintenant la crise nous touche nous aussi. Les gens de Mossoul viennent remplir leur réservoir ici et revendent l'essence là-bas beaucoup plus cher", déplore-t-il.

"Il y a des gens qui achètent l'essence ici pour 500 dinars le litre (30 centimes d'euros) et vont la revendre à Ghazar, de l'autre côté du checkpoint à 2500 dinars le litre (1,50 euros)", confirme Zaher Charif, le gérant de la station-service.

Une solution externe ?

La situation est toutefois ironique, car, à la faveur de la crise, les peshmerga ont mis la main sur d'immenses champs pétroliers près de Mossoul et de Kirkouk. Une manne pour l’heure inutilisable car la région ne possède pas les capacités de raffinage pour transformer le pétrole en essence.

Face à cette crise, et en dépit des réserves gigantesques d’or noir que possède l’Irak, les autorités sont désormais contraintes de se tourner vers l’étranger. "Le ministère en charge des ressources naturelles et les autorités locales tentent de résoudre cette crise avec l'aide de compagnies étrangères, et peut-être de la Turquie car elle a la capacité de fournir de l'essence à la région autonome du Kurdistan", révèle Tariq Sarmami, responsable de la communication du Parlement kurde.

Une solution temporaire qui nécessite la mise en place d’une logistique complexe. Les autorités s’attendent à voir cette crise s’aggraver dans les mois à venir. D’ici là, le gouvernement kurde a décidé de mettre en place un système de tickets de rationnement, qui sera opérationnel avant la fin du mois de juin.