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Gurlitt, le discret propriétaire du "trésor nazi", est mort à Munich

Cornelius Gurlitt, le propriétaire allemand de 1 400 œuvres d'art dont plusieurs centaines avaient été volées à des juifs sous le IIIe Reich, est mort lundi à l'âge de 81 ans, dans son appartement munichois.

Il est mort entouré de son trésor. L'Allemand Cornelius Gurlitt, chez qui ont été retrouvées plus de 1 400 œuvres d'art dont certaines volées à des juifs sous le nazisme, est mort lundi à l’âge de 81 ans, chez lui à Munich, des suites d’une opération du cœur.

"Cornelius Gurlitt est mort hier (lundi) matin dans son appartement de Schwabing en présence de son médecin et d'un infirmier", a déclaré le porte-parole, Stephan Holzinger, dans un communiqué. "Après une difficile opération du cœur et un séjour de plusieurs semaines en clinique, il avait souhaité retourner dans son appartement", a-t-il ajouté.

La police allemande avait découvert en 2012 à son domicile plus de 1 400 tableaux, dessins et sculptures, notamment des œuvres de Canaletto, Courbet, Picasso, Matisse et Toulouse-Lautrec, pour un montant total évalué à un milliard d'euros. Pendant des décennies, Cornelius, fils du marchand d’art Hildebrand Gurlitt, avait pu circuler sans encombre entre l'Allemagne, l'Autriche et  la Suisse pour en faire commerce.
Il voulait "vivre en paix avec ses tableaux"

Le vieillard isolé vivait au milieu de toiles de maîtres, dans son appartement munichois. Il rêvait de "simplement vivre avec [ses]  tableaux, en paix et dans la tranquillité", comme il l’avait écrit. Mais en novembre dernier, il a été sorti de force de son huis clos et la révélation par la presse de la découverte de son trésor l’avait projeté sous les projecteurs.
Début avril, Cornelius Gurlitt avait conclu un accord avec l'État allemand pour restituer à leurs ayants droit, les peintures ayant fait l'objet de spoliations par les nazis. Elles devaient cependant être identifiées dans un délai d'un an.
Il y a presque deux ans, ce fils d'un marchand d'art au passé trouble sous le IIIe Reich s'était déjà vu confisquer par la justice allemande des tableaux ayant appartenu à son père, dans le cadre d'une enquête pour fraude fiscale. Dépassé par les événements, le vieil homme n'avait pas réagi.
Débat sur la restitution des œuvres spoliées
L’affaire Gurlitt a relancé le débat sur la restitution des œuvres dérobées aux juifs sous le IIIe Reich. Le père de Cornelius, Hildebrand Gurlitt, avait été chargé par Joseph Goebbels, ministre de la propagande du IIIe Reich, de vendre à l'étranger les œuvres d'art "dégénéré" saisies afin d'enrichir l'État allemand. Gurlitt en avait vendu certaines à son profit et en avait indépendamment acheté d’autres à des marchands d'art juifs contraints de s'en séparer.
 
Après la guerre, Hildebrand Gurlitt avait convaincu les Américains que, comme il avait une grand-mère juive, il avait lui-même été victime de persécutions. Il avait continué à travailler en tant que négociant d'art. Il est mort dans un accident de la route en 1956.
Aujourd’hui, beaucoup reste à faire sur la question de la restitution des œuvres, même si l'Allemagne a signé, en décembre 1998, la "déclaration de Washington", dans laquelle 44 États s'engageaient à retrouver et restituer les œvres d'art volées par les nazis.
D'après les dernières recherches d'une cellule d'experts chargés d'enquêter sur l'origine de la collection Gurlitt,  458 œuvres auraient pu être volées ou extorquées à des juifs. Environ 380 autres auraient été saisies dans les musées allemands comme faisant partie de ce que les nazis classaient dans la catégorie "Art dégénéré".

Avec AFP et Reuters