logo

Une exécution ratée relance le débat sur la peine de mort aux États-Unis

Un condamné à mort a succombé à "une crise cardiaque foudroyante", mardi soir, dans l'Oklahoma, après d'atroces souffrances provoquées par une injection létale jamais testée. L'échec de cette exécution fait polémique.

Treize minutes après une injection létale dans la prison de McAlester, dans l'Oklahoma, le détenu Clayton Lockett a levé la tête et commencé à marmonner. Le médecin chargé de superviser cette exécution  a ordonné, mardi 29 avril, l'arrêt de la procédure mais le détenu est mort d'un infarctus une quarantaine de minutes après la piqûre.

"Nous pensons qu'une veine a éclaté et que les drogues n'ont pas fait le travail escompté", a expliqué Jerry Massie, porte-parole du ministère de la Justice de l’Oklahoma.

Un innocent pour 25 condamnés

Une étude statistique publiée lundi par l’Académie des sciences des États-Unis estime qu’un condamné à mort américain sur 25 est en fait innocent. Les chercheurs constatent que de nombreux cas douteux ne sont pas examinés à fond car certains condamnés quittent le couloir de la mort après avoir obtenu une peine moins lourde en appel. La pression est alors moins forte pour lever les doutes sur leur culpabilité. Mais en extrapolant à partir des cas d’innocence prouvés dans les couloirs de la mort, ils calculent que 4,1 % des condamnations à mort prononcées aux États-Unis le sont sans doute contre des innocents.

Ziva Branstetter, qui assistait à l'exécution de Clayton Lockett, a déclaré sur MSNBC que ce dernier s'agitait dans tous les sens et semblait se tordre de douleur. Les autorités ont très vite fermé la scène aux témoins à l'aide d'un rideau.
Les produits administrés à Lockett l'ont été selon un nouveau protocole dont les détails n'ont pas été rendus publics, dernier avatar d'une bataille autour des exécutions par injection létale.

L’Union européenne, où se trouvent les compagnies pharmaceutiques qui produisent les drogues utilisées par le passé pour les exécutions, a interdit leur exportation en 2011. Le règlement européen interdit notamment l’exportation du pentobarbital et du thiopentone sodique, les principaux composants traditionnels des injections létales, au motif que "l’Union désapprouve l’application de la peine de mort quelles que soient les circonstances et œuvre à son abolition universelle".

La Suisse envisage des mesures similaires et d'autres fournisseurs, notamment en Inde, se sont engagés à ne plus alimenter les bourreaux américains en produits létaux.
Les exécutions ont été retardées dans plusieurs États américains ces dernières années en raison de pénuries de poison. En Alabama, elles sont ainsi suspendues depuis plus d’un mois.
Nouveaux cocktails
L'Oklahoma et plusieurs autres États cherchent des produits alternatifs pour faire appliquer les condamnations à mort.
Mais ces nouveaux cocktails sont contestés par les avocats des condamnés car on les soupçonne de provoquer des souffrances indues et de violer les dispositions constitutionnelles contre les traitements cruels ou inhabituels.
En janvier, la famille d’un autre condamné à mort exécuté dans l’Oklahoma avait porté plainte après avoir vu l’homme "suffoquer" pendant 26 minutes après l’injection de l’un de ces nouveaux cocktails expérimentaux.
Des produits tenus secrets
L'exécution de Clayton Lockett avait été suspendue il y a plusieurs semaines en raison d'un recours déposé par des avocats pour connaître les produits utilisés pour les exécutions, que l'État refuse de dévoiler. Des procédures similaires sont en cours dans plusieurs États américains dont le Texas, celui qui procède au plus grand nombre d’exécutions.
"Le gouvernement de l’Oklahoma a sacrifié la transparence et ses responsabilités au profit d’une justice expéditive. Les conséquences sont monstrueuses et étaient prévisibles", ont déclaré les Coalitions de l’Oklahoma et des États-Unis contre la peine de mort dans un communiqué.
Le débat sur l’existence d’une méthode d’exécution respectant l’interdiction des "traitements cruels ou inhabituels" par la Constitution des États-Unis fait partie des principaux arguments qui alimentent le débat sur la peine de mort dans le pays, tout comme le coût démesuré des procès pour peine capitale et le risque d’erreur judiciaire (voir encadré).
L'exécution de Charles Warner, un autre détenu, prévue après celle de Clayton Lockett a été reportée de deux semaines.
Clayton Lockett, 38 ans, a été condamné pour viol, meurtre et enlèvement lors d'une équipée meurtrière avec deux autre hommes en 1999. Il avait tiré sur une adolescente qu'il avait ensuite enterrée vivante.
Charles Warner, 46 ans, a été condamné pour le viol et le meurtre en 1997 d'un bébé de onze mois, fille de sa compagne de l'époque.
Avec Reuters