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Steeve Briois, secrétaire général du Front national, dont il a gravi tous les échelons, a attendu presque 20 ans pour conquérir, dès le premier tour, la mairie d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais). Portrait.

"Quand il s’est fixé un objectif, il s’y tient, même si ça doit prendre cinq, dix ou quinze ans…", avait un jour déclaré son directeur de campagne Bruno Bilde. Au final, Steeve Briois, le secrétaire général du Front national (FN), aura attendu presque 20 ans pour conquérir, dès le premier tour, la mairie d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), avec 50.25 % des voix. Il a toujours cru à ce succès qu’il s’est offert à 41 ans, dans cette petite ville de 27 000 habitants nichée dans un bassin minier sinistré et surtout historiquement ancré à gauche depuis 60 ans.

En 1988, fasciné par les prestations télévisées de Jean-Marie Le Pen, il s’encarte au FN à l’âge de 15 ans. À l’époque, il n’y avait, selon lui, que trois militants FN dans la ville. En 2014, après avoir grignoté du terrain élection après élection, ce politique autodidacte plante la bannière frontiste sur le toit de l’hôtel de ville.

Un contexte local très favorable

Sa première candidature à la mairie d’Hénin-Beaumont remonte à 1995. Alors âgé d’à peine 23 ans, il se contente dans un premier temps du poste de conseiller municipal, avant de briguer deux ans plus tard celui de conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais. Steeve Briois ne renonce pas pour autant à ses ambitions de maire. Et pour booster le FN dans la région, il fait appel à une tête d’affiche : Marine Le Pen.

Alléchée par un contexte local très favorable – une gauche décrédibilisée par les scandales de corruption, une droite républicaine absente et un taux de chômage à 18 % – Marine Le Pen accepte de se faire parachuter à Hénin-Beaumont. Désireuse de conquérir les faveurs des couches populaires, à l’heure où la crise fait rage, elle est candidate aux élections législatives de 2007. Un coup de maître qui offre au cadre frontiste local, qui s’est imposé comme l’opposant le plus crédible aux dérives du PS dans cette ville, l'attention des médias nationaux. Steeve Briois commence peu à peu à se faire connaître à l’échelle nationale, dans l’ombre de celle qui prendra quelques années plus tard la tête du FN.

En 2009, il croit son heure venue après la révocation du maire socialiste Gérard Dalongeville, alors mis en examen pour détournement de fonds publics. Mais Steeve Briois perd son pari à 500 voix près. Qu’importe ! Il le sent déjà, il n’est plus très loin, puisqu’en 2012, lors du second tour des législatives, Marine Le Pen obtient un score de 55,14% à Hénin-Beaumont, même si elle échoue à l’échelle de la circonscription.

Un pragmatique à l’assaut d’un bastion de la gauche

Du côté des idées, Steeve Briois n’a rien de l’idéologue d’extrême-droite ni du théoricien frontiste. Même si par opportunisme, déçu par Jean-Marie Le Pen, il rejoint pendant un temps les rangs du MNR de Bruno Mégret en 1999, avant de rentrer au bercail frontiste. Il se revendique comme un patriote, "ardent défenseur de l'identité française" et favorable au rétablissement de la peine de mort. Le thème de l’immigration, qu’il lie souvent à l’insécurité, est très présent dans son champ lexical. "Des gens d'origine maghrébine qui parlent arabe entre eux, cela m'insupporte, car je le vis comme du repli sur soi" confie-t-il à l’Express en juin 2011.

Parfois, il dérape. En 1997, "au marché de Noyelles, un basané croise Briois et le moque, 'tu seras battu', il souffle. Et Briois, entre ses dents : 'Mais toi, tu partiras'", rapporte le journaliste Claude Askolovitch dans son livre "Voyage au bout de la France" (Grasset - 1999).

Steeve Briois, dont l'homosexualité a été révélée en décembre, est un pragmatique qui n’a qu’une seule religion : occuper le terrain, et une seule obsession : ancrer localement le FN. Porte-à-porte, distribution intensive de tracts, présence physique sur le terrain, sa stratégie est rôdée depuis des années et la rue devient sa permanence de campagne, même hors période électorale.

"Briois joue ce jeu, distribuant ses prospectus, appliqué et souriant, gamin démagogue, juste ce qu’il faut, faisant ce métier qui n’en est pas un : draguer le chaland, gruger/convaincre le consommateur/citoyen. Il est l’illustration même de l’avenir du Front [...]", explique encore Claude Askolovitch, qui l’avait rencontré en 1997. Et de citer l’exemple d’un pompier communiste, qui, au terme d’un dialogue avec le responsable frontiste promet de voter FN si le PC n’atteint pas le second tour. “On a diabolisé Le Pen parce qu’il dérange. C’est la même chose avec les communistes, vous aussi, vous avez été diabolisés...”, lui avait-il asséné.

Sa méthode tape dans l’œil de Marine Le Pen

Quand il fait campagne, dans les rues d’Hénin-Beaumont, il fait vite comprendre au visiteur qu’il est chez lui, sur ses terres. Sourire vissé aux lèvres, Steeve Briois multiplie les démonstrations de convivialité, lui le timide discret. Il salue les passants par leur prénom, écoute les doléances et serre des mains à tour de bras. Son truc, c’est la proximité, d’autant plus qu’il connaît presque toute la ville pour y avoir vendu des abonnements Internet.

Issu d’un milieu populaire, petit-fils de mineur, fils d'un ouvrier et d'une comptable, le peuple, il connaît, aime-t-il répéter à ces gens "de la caste journalistique". D’ailleurs, sa première réaction à l'annonce de son élection a été "une grande émotion, en pensant à [son] grand-père, mineur à la fosse 9 de Oignies, qui militait à la CGT, mort il y a 10 ans".

Sa méthode impressionne Marine Le Pen, qui le charge de l’appliquer à l’ensemble du pays et de renouveler les cadres vieillissants du parti. En janvier 2011, il est nommé secrétaire général du FN. De figure locale, il devient alors l’un des principaux barons marinistes, avant de revêtir aux yeux des siens, en ce mois de mars, le costume du héros. Mais pour lui, qui a toujours été dans l’opposition, qui a laminé ses prédécesseurs à coups de tracts, le plus dur commence. Il sait qu’il n’a pas le droit à l’erreur et que le "laboratoire" du FN sera surveillé de très près.

CARTE INTERACTIVE : LES VILLES QUE LE FN VISE