Un communiqué du gouvernement égyptien, daté du 22 février, annonce que les forces armées ont mis au point la toute première machine au monde capable de diagnostiquer et de guérir le sida et l’hépatite C.
“Une bénédiction”, “un cadeau de dieu”. C’est en ces termes que les médias égyptiens proches du pouvoir dépeignent, depuis trois jours, l’invention miraculeuse que l’armée égyptienne affirme avoir mis au point : une machine capable de diagnostiquer et soigner l’hépatite C, les grippes porcines et H1N1 et même le sida.
Baptisé "Complete Cure Device", cet outil secrètement développé depuis 22 ans produit des ondes électromagnétiques qui détruiraient les cellules malignes et injecteraient à la place des acides aminés. Le tout sans même procéder à des prélèvements sanguins. Dans le cas de l’hépatite C - dont l’Égypte compte le plus fort taux de personnes infectées au monde - le virus serait éliminé en 10 jours et sans effets secondaires. Après avoir conduit des tests sur des animaux et des humains, le taux de réussite affiché est de… 100 %.
Bonne publicité pour le général Sissi
Cette “découverte scientifique” tombe à point nommé pour le chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi, probable candidat à la présidentielle organisée au printemps prochain. Véritable homme fort de l’Égypte, il fut également l'un des artisans de la chute de l'ancien-président Mohamed Morsi, destitué en juillet dernier.
Mais si quelques supporters indéfectibles de l’armée saluent cette supposée percée scientifique, une grande majorité d’Égyptiens semble toutefois dubitative à en juger par le flot de tweets et autres commentaires ironiques distillés sur la Toile depuis samedi. “Je suggère que l’on injecte le virus à Sissi et qu’on le soigne avec l’invention de l’armée pour prouver son efficacité”, plaisante ainsi un internaute égyptien, repéré par la BBC sur Twitter.
Un miracle “plus politique que scientifique”
“En médecine, un rapport militaire secret, ça ne devrait pas exister. Pour qu’une découverte médicale soit reconnue et déclarée de la sorte, elle doit être rendue publique”, déclare pour sa part l’influent présentateur de télévision égyptien, Khalid Muntasir.
Contributeur pour le site The Commentator, l’écrivain et intellectuel égyptien Ahmed Abdel-Raheem estime, quant à lui, que ce miracle “plus politique que scientifique […] montre jusqu’où les actuels leaders de l’Égypte sont prêts à aller pour essayer de se rendre plus légitimes.”
Aucun export de la machine à l’étranger
Malgré le scepticisme environnant - sans même parler de celui de la communauté scientifique - l’armée persiste et signe. Dans un reportage sous-titré en anglais et diffusé mercredi 26 février par l’institut Memri (The Middle East Media Research Institute), le docteur Ibrahim Abdel-Atti, à l’origine de l’invention, vante les louanges de l’armée. “En dépit de la pression à laquelle est soumise l’armée, nos hommes viennent de prouver au monde qu’ils font tout leur possible pour servir la nation. L’armée égyptienne est un symbole de générosité et de sacrifices”, déclame-t-il devant les caméras.
Et ce n’est pas tout. Le docteur Ibrahim Abdel-Atti, qui assure qu’on lui aurait proposé 2 millions de dollars pour racheter son invention, a tenu à souligner que l’Égypte n’exportera pas cet outil miracle à l’étranger afin de le protéger du monopole international et du marché noir. Plutôt avare en détails, l’inventeur n’a pas précisé quand sa machine révolutionnaire serait commercialisée...
Reportage à la gloire de l'invention de l'armée traduit par le MEMRI (en anglais)