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Économiste formé à Harvard, l'ambitieux et fringant Leopoldo Lopez est devenu la figure de proue de la contestation qui agite le Venezuela depuis la fin janvier. Portrait d'un opposant dont le jusqu'au-boutisme dérange au sein même de l'opposition.

En adepte de la natation, Leopoldo Lopez n’ignore pas que l’endurance est la meilleure arme pour remporter une course. Compétiteur, le chef du parti Voluntad Popular (droite) ne l’est pas uniquement dans les bassins de Chacao, quartier très huppé de l’Est de Caracas dont il fut le jeune maire de 2000 à 2008. C’est principalement dans la rue que cette figure montante de l’opposition au président vénézuélien Nicolas Maduro fait montre de son goût pour la confrontation. Quitte à mettre en scène son sens de l’abnégation.

Mardi 18 février, entouré de dizaines de milliers de ses partisans qu’il avait invités à le suivre, le volubile homme politique de 42 ans a fait acte de reddition devant les caméras du pays. "Si mon emprisonnement peut servir à réveiller le peuple, il vaudra la peine", a-t-il alors lancé à la foule. Et d’ajouter avant de s’engouffrer dans un véhicule de police : "Je n'ai rien à cacher, je n'ai pas commis de crime." De quoi asseoir définitivement sa popularité auprès des étudiants à l’origine de la fronde qui secoue le Venezuela depuis la fin du mois de janvier.

Il n’a fallu que quelques semaines à Leopoldo Lopez, ancien économiste formé à la prestigieuse université américaine de Harvard, pour devenir la coqueluche de la contestation, mais aussi la nouvelle bête noire des autorités vénézuéliennes. Mis aux arrêts pour "incendie volontaire, incitation à la violence, dommages sur des biens publics et association de malfaiteurs", il est ni plus ni moins considéré par le pouvoir comme l’instigateur des débordements ayant causé la mort de cinq manifestants en deux semaines. Pis, certains caciques du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), la formation fondée par le défunt président Hugo Chavez, l’accusent d’incitation à "la sédition, à l'émeute et au terrorisme".

Descendant de Simon Bolivar

Leopoldo Lopez n’en est toutefois pas à son premier bras de fer avec le gouvernement. Fils d’une bonne famille qui, ironie du sort, compterait parmi ses ascendants Simon Bolivar, héros de l’indépendance sud-américaine devenue référence du socialisme vénézuélien, l’homme cultive de longue date un "anti-chavisme".

À peine fut-il élu à la mairie de Chacao qu’il appela, en 2002, aux importantes manifestations qui aboutirent à la courte destitution d’Hugo Chavez. Un engagement qui, selon ses partisans, est à la source des démêlés judiciaires qu’il a connus depuis. En 2008, il est effectivement interdit de briguer un troisième mandat à Chacao en raison des accusations de détournements de fonds et de corruption pesant contre lui. De nouveau privé de ses droits politiques en 2011, l’ambitieux opposant est contraint de faire une croix sur sa candidature à la mairie de Caracas ainsi qu’à la présidentielle de 2012.

"Arrogant, vindicatif, assoiffé de pouvoir"

Mais le tribun au sourire carnassier n’agace pas seulement le pouvoir en place. L’opposition rassemblée autour du gouverneur Henrique Capriles, candidat malheureux aux présidentielles de 2012 et 2013, ne voit pas d’un très bon œil son empressement à monter au front. Dans un câble diplomatique de 2009 révélé par WikiLeaks, un conseiller de l’ambassade américaine à Caracas dépeignait déjà le fringant quadragénaire comme "une figure susceptible de créer des divisions au sein de l’opposition". "Il est souvent décrit comme arrogant, vindicatif, assoiffé de pouvoir, peut-on lire encore dans le télégramme. Mais les dirigeants de l'opposition lui concèdent toutefois une popularité constante, un charisme et un sens de l’organisation."

À la tête du mouvement "La Sortie" (#LaSalida), qui a su se rallier la protestation estudiantine grâce à une utilisation active des réseaux sociaux, Leopoldo Lopez entend aujourd’hui faire chuter l’actuel pouvoir en mobilisant la rue. Mais dans les rangs de la droite modérée cette stratégie de l’affrontement inquiète.

D’aucuns craignent en effet que le jusqu’auboutisme de Leopoldo Lopez ne braque encore un peu plus un président Maduro toujours prompt à dénoncer une "tentative de coup d'État" fomentée par la "droite fasciste" avec le soutien des États-Unis et de l'ex-président colombien Alvaro Uribe. Lopez "ne peut offrir meilleur prétexte au gouvernement pour accuser l’opposition de vouloir déstabiliser le pays", affirme ainsi à la BBC [LIEN] le politologue Carlos Romero, de l’Université central du Venezuela.

"Différents mais solidaires"

Reste que Leopoldo Lopez bénéficie du soutien d’une large partie de la classe moyenne vénézuélienne. Face à l’ampleur de sa popularité, Henrique Capriles n’ose se désolidariser complètement du leader de Voluntad Popular. "Nous sommes différents mais nous sommes solidaires", a déclaré cette semaine le chef de file de la coalition d’opposition de la Table de l’unité démocratique (MUD).

Placé en détention provisoire dans une prison militaire des environs de Caracas, Leopoldo Lopez pourrait y rester une quarantaine de jours, le temps d'organiser son procès. Du sort que lui réservera la justice dépendra l’évolution de la contestation. "Si le gouvernement le libère rapidement, se serait un signe de faiblesse", analyse à l’AFP Angel Oropeza, professeur de science politique à l’Université Simon-Bolivar. Mais s’il le garde longtemps, le mouvement de contestation risqué de s’embraser et la pression internationale s’accentuera sur le pouvoir." Leopoldo Lopez, le compétiteur, peut se targuer d’avoir d'ores et déjà remporté une manche.