Le roi des réseaux sociaux fête, mardi, ses 10 ans. Derrière l’éclatante "success-story" économique, Facebook a aussi déçu plus d’un de ses utilisateurs. Histoires de désamour.
Dix ans, 1,2 milliard d’utilisateurs et un bénéfice de 1,5 milliard de dollars (1,1 milliard d’euros) en 2013 : l’épopée de Facebook a tout d’une "success-story". Depuis sa naissance dans une chambre d’étudiant à Harvard le 4 février 2004, le roi des réseaux sociaux a beaucoup évolué.
D’un point de vue de l’entreprise Facebook, la réussite de Mark Zuckerberg est indéniable : il a transformé en une décennie un service gratuit, pour rester en contact avec ses amis de fac, en l’une des plus importantes régies publicitaires au monde. Une monétisation qui fait, aujourd’hui, les délices de Wall Street après une entrée en bourse très chaotique en 2012. L’action du réseau social a atteint, début février, son plus haut niveau à 61 dollars.
Mais sa relation avec ses utilisateurs a été tout sauf un long fleuve tranquille. La politique de Facebook à l’égard de la protection des données privées a plusieurs fois provoqué des avalanches de critiques dans les médias et aussi parmi les abonnés. Dans les pays développés, le site semble avoir atteint une masse critique qu’il a du mal à dépasser, tandis que les adolescents lui préfèrent de plus en plus d’autres services de communication.
Sur le milliard et quelque d’abonnés, une grande majorité est probablement satisfaite de la qualité de Facebook. FRANCE 24 a choisi de laisser la parole à ceux qui illustrent la relation tumultueuse que les utilisateurs peuvent entretenir avec l’un des sites les plus importants de ce début de XXIe siècle. Témoignages.
L’inconstante
Jill, 33 ans, juriste : “J’ai désactivé mon compte Facebook au moins quatre fois depuis que j'ai rejoint le site en 2006 et à chaque fois, je reviens. Il y a toujours un moment donné où quelque chose me met hors de moi. La dernière fois, c’est quand mon oncle a annoncé sur Facebook qu’il allait se marier alors qu’il ne m’en avait même pas informée personnellement. Les gens communiquent davantage avec leurs proches sur Facebook que dans la vraie vie. Ça finit par me mettre mal à l’aise.
Mais il y a toujours un mail de Facebook m’informant qu’il y a des nouvelles publications me concernant qui me ramène sur le site. Et puis, je ressens aussi le besoin de contrôler mon image sur ce réseau social. À chaque fois que je retourne sur Facebook, je m’aperçois que je déteste y passer du temps. Mais pour l’instant, c’est encore plus fort que moi. Je pense néanmoins que je finirai par quitter le site."
Le révolté
Maxime, 39 ans, informaticien : “J’ai quitté Facebook il y a environ trois ans, après y avoir passé un an et demi. J’y partageais des choses de mon quotidien, je gardais le contact avec des amis plus ou moins proches et je discutais avec d’autres personnes qui partageaient mes centres d’intérêt. Mais je me suis aperçu que le contenu était souvent léger. Les messages étaient truffés des fautes d’orthographe et les échanges ressemblaient plutôt à des discussions de comptoir. Ce n’était pas vraiment ce que je recherchais sur un réseau social.
Surtout, l’appli Facebook s’est, un jour, octroyé le droit de fouiller mon carnet d’adresse sur mon smartphone sans demander mon consentement. J’ai vraiment eu l’impression qu’on violait ma vie privée.
J’ai donc tout effacé après avoir récupéré les données que j’avais partagées. Je me sens beaucoup mieux depuis. J’utilise Twitter pour l’instantanéité des échanges et Google+ pour les discussions. Je n’ai pas l’impression d’avoir perdu au change, surtout que sur Google+, on peut bien mieux contrôler avec qui on partage des informations."
L’ennuyée
Cécile, 27 ans, graphiste : “Dès le départ, en 2008, je n’ai pas trouvé Facebook très intéressant. Comme je ne partageais pas grand chose dessus, je recevais essentiellement des informations émanant de personnes que je ne connaissais pas vraiment. J’ai rapidement trouvé que, pour moi, Facebook était plus de la pollution sociale qu’autre chose.
C’est donc assez naturellement que j’ai tout quitté un an plus tard. Les personnes se sont alors montrées vraiment étonnées que je n’aie pas de compte. Il fallait que j’explique pendant longtemps mes raisons. Mais les choses ont évolué depuis. J’ai l’impression que les gens comprennent plus facilement aujourd’hui qu’on peut se passer de Facebook. C’est moins bizarre de devoir assumer qu’on n’y est pas."
La désabusée
Lydie, 21 ans, étudiante et dessinatrice publicitaire : “Au début, il y a six ans, quand j’ai ouvert mon compte, c’était marrant. Tout le monde au lycée y était et on pouvait un peu tout savoir sur tout le monde. Les petites histoires, qui sort avec qui etc. J’ai été heureuse environ deux ans sur Facebook.
Mais ensuite, j’ai éprouvé une sorte de ras-le-bol social, je n’avais plus envie de savoir ce qui arrivait aux autres. Et en 2011, j’ai décidé, sur un coup de tête, de faire une pause. Ça a duré quelques mois et c’était assez frustrant. Je ne pouvais plus parler avec mes plus de 500 contacts. Mes amis ont alors un peu insisté et je m’y suis remise.
Je suis repartie à l’assaut de Facebook avec la ferme intention de réduire au maximum mon exposition numérique. Plus question, par exemple, de poster des photos de soirées arrosées. Mais je me suis rapidement aperçue que les autres se chargeaient de poster des choses sur moi de toute façon. C'est oppressant et malsain cette habitude de partager ainsi toute sa vie.
Je me suis alors aperçue que Facebook ne m’était plus d’une grande utilité. Et j’ai décidé, le jour de mon anniversaire, en avril 2012, de quitter définitivement ce réseau social."
Autant de témoignages qui montrent que même les utilisateurs les plus critiques de Facebook ont une relation forte avec le réseau social. Leur volonté de proteger leur vie privée, leur souci de ne pas trop s'exposer ou leur ras-le-bol à l'égard de l'avalanche d'informations partagées prouvent, a contrario, à quel point Facebook a réussi à se faire une place centrale dans la vie numérique de chacun.