À la manière du journal "Le Monde" après l’article du "Newsweek" sur le supposé déclin français, l’ambassade de France à Londres a répondu non sans ironie aux approximations contenues dans un article du très droitier quotidien "City A.M.".
"Newsweek" en a déjà fait l’expérience. Quelconque journaliste étranger se piquerait de dépeindre le déclin de la France verra désormais son article passer au test du "fact-checking" (vérification des faits) si cher à la presse anglo-saxonne. Peu après le retentissant papier "The Fall of France" paru le 3 janvier dans l’ancien hebdomadaire américain devenu 100 % numérique, "Le Monde" avait répliqué en pointant les "mille et une erreurs" contenues dans l’objet du délit. Anne Sinclair, directrice de la rédaction du "Huffington Post" français, s’était quant à elle fendu d’une tribune dans laquelle elle fustigeait des "inepties" vouées à "démolir la France".
Après les journalistes, c’est au tour de l’ambassade de France à Londres de répondre point par point à un nouvel acte de lèse-République française commis cette fois-ci par le très libéral quotidien britannique "City A.M." sous le titre "En France, l’expérience socialiste ratée vire au désastre". Sur son site Internet, la représentation hexagonale en Grande-Bretagne détaille, à la manière d’un article de presse, les "10 raisons pour lesquelles ‘City A.M.’ se trompe sur la France".
Préjugés et erreurs
"Mélange idéologique de préjugés et d’erreurs", l’éditorial n’est, aux yeux des services diplomatiques français, qu’une interprétation fallacieuse de l’actuelle situation économique de l’Hexagone ainsi que des réformes engagées par son gouvernement. Il faut dire que l’auteur de la diatribe, Allister Heath, n’y va pas avec le dos de la petite cuillère à thé. Non sans une pincée de mauvaise foi, le journaliste énumère les causes du "naufrage" gaulois : "État prédominant, taux d'imposition affreusement élevé, régulation financière démente, dépenses publiques absurdes et inefficaces, défiance généralisée envers les affaires, le capitalisme, le succès et l’investissement au travail."
Quel businessman ayant une once de sens commun irait donc investir le moindre kopek dans un pays où les "syndicats communistes" kidnappent leurs employeurs et les jeunes des banlieues incendient les voitures la nuit de la Saint-Sylvestre ? interroge Allister Heath. Avant d’affirmer sans ambages : "Les grands groupes ne devraient pas s’embêter à ouvrir des filiales en France ; il existe tellement d’autres meilleurs endroits dans le monde où placer son argent."
C’est ce conseil pour le moins direct qui a dû faire bondir l’ambassade de France et pousser ses services de communication à prendre la plume. "Les 20 000 grandes compagnies étrangères aujourd’hui installées en France, où elles emploient près de 2 millions de personnes, doivent certainement souffrir de démence !", écrit-elle en guise de droit de réponse.
De fait, la riposte est aussi ironique que l'attaque est frontale. Et rappelle, chiffres à l’appui, le journaliste à ses devoirs de vérification. "Les prévisions de l’Union européenne table sur une croissance française de 0,2 % pour 2013 et 0,9 % pour 2014, et même de 1,7 % pour 2015. Même si certains jugent cela insuffisant, un petit travail de recherche aurait permis de constater que l’économie française n’est pas ‘en train de se contracter à un rythme effréné’", contre-attaque ainsi les services diplomatiques.
"Bel investissement au travail, en effet !"
Au sujet du prétendu désamour des Français envers la valeur travail, on peut également lire : "Un simple examen des données d’Eurostat aurait montré qu’en France la productivité s’élève à un confortable 45,4 euros par heure travaillée, ce qui la place au-dessus de la moyenne européenne établie à 32,1 euros. En outre, l’OCDE rapporte que le nombre d’heures travaillées par semaine en France atteignait les 38 heures en 2011, contre 36,4 au Royaume-Uni et 35,5 en Allemagne. Bel investissement au travail, en effet !"
Ce qui commence comme une mise au point tourne ensuite à la comparaison cocardière : "En France, les dépenses publiques se basent sur une tradition des services publiques. Prenons le secteur de la santé […] : l’État fournit deux fois plus de lits d’hôpitaux par habitant qu’au Royaume-Uni. Les trains à grande vitesse et le domaine de l’énergie connaissent le même succès."
Sur les impôts, la chancellerie en profite pour vanter les bienfaits de la philosophie bleu-blanc-rouge : "Les politiques fiscales françaises et britanniques répondent à des traditions différentes. En France, le système est fondamentalement plus redistributif."
Enfin, l’ambassade rappelle qu’en cette France si peu aimante avec ses entrepreneurs à succès existe un homme ayant fait fortune dans les télécoms et les médias. Son nom : Xavier Niel, emblématique patron de Free et co-propriétaire du "Monde". Ce même Xavier Niel qu’Anne Sinclair avait érigé en exemple du "golden boy" à la française. Comme si l'économie française n'avait qu'un seul champion à présenter. De quoi donner du grain à moudre aux "French basheurs"…