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JO de Sotchi : "Le Timor oriental sera enfin sur la carte"

Pour la première fois, le Timor oriental sera représenté aux JO d'hiver. En effet, le Franco-Timorais Yohan Goutt Goncalves, s'est qualifié en slalom pour Sotchi. Le jeune homme espère, à cette occasion, offrir une autre image du pays de sa mère.

Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Sotchi le 7 février prochain, un nouveau drapeau fera son apparition dans le stade. Pour la première fois de l’histoire de la plus importante des compétitions hivernales, les couleurs du Timor oriental seront arborées par un athlète. Du haut de ses 19 ans, Yohan Goutt Goncalves a réussi l’incroyable pari de se qualifier pour les JO.

Ce skieur timorais a décroché son précieux sésame le 29 décembre dernier en Serbie, après avoir atteint les 140 points requis par la Fédération internationale de ski pour prendre le départ de l’épreuve de slalom. "Quand j’ai eu l’idée de participer aux Jeux olympiques, je ne rêvais pas d’y être, je m’y voyais déjà. C’est un accomplissement !", confie à FRANCE 24 le jeune homme, qui tentera de se qualifier pour le géant dans les prochaines semaines.

"Le Timor, ce n’est pas que la guerre"

Le système de qualification pour les JO de Sotchi

Un total de 320 places est disponible pour les skieurs qui veulent participer aux Jeux olympiques. Un maximum de 22 athlètes peuvent être inscrits par un comité national olympique, avec un maximum de 14 hommes ou 14 femmes. Il existe deux normes de qualification : une norme A et une norme B.

Critère de qualification A
Les concurrents classés parmi les 500 premiers de leur épreuve respective dans la liste olympique des points FIS (Fédération internationale de ski), publiée à la fin de la période de qualification (20.01.2014), seront admissibles.

Critère de qualification B
Les CNO (Comités nationaux olympiques) n’ayant pas d’athlète qui remplit les critères susmentionnés pourront inscrire chacun uniquement un athlète homme et une athlète femme (quota de base) dans les épreuves de slalom et slalom géant. Les CNO ayant un seul athlète homme ou une seule athlète femme qui remplit les critères de qualification sont autorisés à inscrire un autre athlète de l’autre sexe à condition que l’athlète concerné totalise un maximum de 140 points FIS dans l’épreuve correspondante sur la liste olympique des points FIS publiée le 20.01.2014.

Né en France, Yohan Goutt Goncalves a attrapé le virus de la neige dès son plus jeune âge : "Je ne m’en souviens pas, mais on m’a dit que quand j’étais bébé, mon père me mettait dans son sac à dos et m’emmenait sur les pistes". À 2 ans et demi, il chausse ses premiers skis dans la station de Val d’Isère. Très vite, ce sport devient une véritable obsession. Vers 14 ans, il prend part à ses premières compétitions et imagine déjà vivre de sa passion. "Au départ, quand j’ai dit à mes parents que c’était ce que je voulais faire, ils m’ont dit que ce serait compliqué et que je devrais habiter à la montagne. Surtout pour rentrer en équipe de France, il faut participer à beaucoup de qualifications", se souvient-il.

Mais le skieur en herbe a un autre projet. Fils d’une mère timoraise et d’un père français, il décide dès l’adolescence de représenter son pays maternel : "Je voulais aller aux JO pour le Timor oriental car c’est une double expérience. Il y a bien sûr la compétition de ski, mais aussi un rôle de diplomate. C’est un pays qui est tout nouveau, qui a été créé en 2002 et qui est en train de se développer. Je veux surtout montrer que le Timor, ce n’est pas que la guerre". Ce petit État d’Asie du Sud-est souffre en effet d’une méconnaissance totale, ou d’une mauvaise image. Ancienne colonie portugaise, le Timor oriental a été envahi en 1975 par l’Indonésie qui y a pratiqué une répression féroce. Près de 200 000 personnes (sur une population de moins d'un million d'habitants) ont trouvé la mort dans ce conflit. La mère de Yohan, ainsi que de nombreux membres de sa famille, ont d’ailleurs fui leur pays à cette période. "Elle est partie à l’âge de 12 ans. Elle est devenue réfugiée politique en Australie. Elle a fait toute sa scolarité là-bas. Après, elle a pris un an pour voyager. Elle est passée par Paris où elle a rencontré mon père et elle n’est pas repartie", résume-t-il à FRANCE 24.

"Les patins de neige"

Élevé à des milliers de kilomètres de cette île du pacifique, Yohan Goutt Goncalves n’a jamais rompu le lien avec le pays de ses ancêtres où il se rend d’ailleurs chaque année. L’été dernier, il a même eu l’honneur d’être reçu par le président du Timor oriental, Taur Matan Ruak. De plus en plus d’habitants de ce pays au climat tropical commencent à suivre son parcours, même si très peu d’entre eux ont déjà vu de la neige. "C’est quand même un peu compliqué au Timor d’expliquer ce que je fais, car le mot ski n’existe pas dans le dialecte local. Les gens ne savent pas ce que c’est comme sport. Dans les journaux, ils appellent ça ' les patins de neige'", souligne-t-il avec amusement.

Alors que les Jeux olympiques de Sotchi débutent dans quelques semaines, Yohan Goutt Goncalves garde quand même la tête froide. Classé au 3606e rang mondial et ayant bénéficié d'un système de qualification moins contraignant pour les "petites nations", il sait qu’il n’a aucune chance de médailles. "Arriver en bas, ce serait bien !", annonce-t-il en rigolant, "Je ne serai pas premier, mais j’ai un ami, Samir Azzimani, qui était au JO de Vancouver pour représenter le Maroc. Il avait fait 44e en slalom, j’aimerais bien faire mieux pour que le Timor soit devant le Maroc !". En participant à la plus prestigieuse des compétitions sportives, le jeune skieur espère surtout "placer le Timor oriental sur une carte". Étudiant en Administration et échanges internationaux à l’Université Paris-Est-Créteil, Yohan a déjà de nombreux projets en tête pour son pays d'origine, le plus pauvre d'Asie du Sud-Est.  "À la fin de la saison, si des sponsors sont prêts à m’aider, j’aimerais beaucoup ouvrir des centres sportifs pour les jeunes au Timor. Il faut les libérer de leurs mauvais souvenirs. Il ne faut pas oublier, bien sûr, mais il faut avancer", explique-t-il." Le sport est une bonne occasion de se sortir de cette spirale négative !".