L’opposition ukrainienne s'est à nouveau mobilisée place de l’Indépendance à Kiev. Des milliers de manifestants ont également marché vers la résidence de campagne du président Ianoukovitch après l'agression d'une journaliste.
Dimanche 29 décembre, quelque 50 000 opposants pro-européens ont à nouveau manifesté place de l’Indépendance, à Kiev. L’appel à ce nouveau grand rassemblement dans la capitale ukrainienne a été lancé en début de semaine.
Au moment où le mouvement pro-européen montre quelques signes d’
essoufflement, ce sixième grand rassemblement fait office de test pour l’opposition. La place est occupée depuis le 21 novembre, jour où le président Viktor Ianoukovitch a brutalement signifié qu’il ne signerait pas un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Depuis, les manifestants, qui demandent la démission de l’exécutif et un rapprochement avec l’Europe, n’ont rien obtenu.
Et dans le froid ukrainien de cette fin décembre, nombreux sont ceux qui perdent espoir. D’ailleurs, les leaders des trois principaux partis d’opposition, qui, auparavant, étaient omniprésents sur "Maïden" (nom donné à la place de l’Indépendance par les Ukrainiens) se font aujourd’hui beaucoup plus rares, signe que la mobilisation perd de sa vigueur. Néanmoins, nombre de manifestants, qui voyaient d’un bien mauvais œil ce mouvement populaire récupéré par la sphère politique, ne déplorent que tièdement l’absence de ces figures politiques.
Sauvage agression d’une journaliste
Cependant, l’agression barbare de
Tetiana Tchornovil, une journaliste de 34 ans qui enquêtait sur la corruption et la fortune des ministres et du président, pourrait bien redonner de l’énergie au mouvement. La jeune journaliste, méconnaissable depuis son passage à tabac dans la nuit du 24 au 25 décembre, a assuré que sa "tête a été mise à prix". Dans une interview accordée vendredi 27 décembre, depuis son lit d’hôpital, à la chaîne indépendante Kanal 5, Tetiana Tchornovil a affirmé que "l’agression n’avait pas pu être commise au hasard".
C’est en tout cas ce que suggère une
vidéo prise depuis une caméra fixée sur son pare-brise, qu’elle a eu le temps d’allumer avant d’être agressée. Le film est édifiant : une voiture de luxe tente par tous les moyens de stopper le véhicule de la journaliste, sur une voies rapide de la banlieue de Kiev.
Le visage tuméfié de la journaliste a choqué l’Ukraine et provoqué un tollé à travers le monde. Ses agresseurs l’ont rouée de coups. Trois opérations seront, selon sa famille, nécessaires pour la remettre sur pieds. "J’étais sûre qu’ils voulaient me tuer", a poursuivi la journaliste vendredi, lors de son interview.
Onde de choc à travers l’Ukraine
Depuis, des images du visage ensanglanté de Tetiana Tchornovil sont brandies par les manifestants de Maïden. La police a assuré avoir arrêté cinq suspects. Mykola Tchintchine, chef du département des enquêtes du ministère de l'Intérieur, a affirmé que les suspects faisaient partie du cercle proche de Vitali Klitschko, leader du parti d’opposition Oudar, et d’un député du parti Batkivchtchina de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko . Vitali Klitschko a assuré qu’il allait porter plainte pour diffamation.
L’opposition, elle, pointe du doigt les responsables politiques visés par les enquêtes de la journaliste. Dimanche, en parallèle du rassemblement place de l’Indépendance à Kiev des milliers de personnes, à vélo, à bord de voitures et de mini-bus ornés de drapeaux ukrainiens et de l'Union européenne, se sont dirigées vers la résidence de campagne très protégée du président, à une quinzaine de kilomètres de la capitale, en soutien à la journaliste sauvagement agressée.