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Le puissant clan Ianoukovitch au bord de la fissure

Un influent homme d’affaires allié du président ukrainien Viktor Ianoukovitch s’est positionné, vendredi, en faveur d’un dialogue avec les manifestants. Une prise de position qui pourrait menacer le tout-puissant clan de l'actuel président.

"Dehors la bande !", scandent les manifestants en Ukraine. Ces slogans s'adressent avant tout au président Viktor Ianoukovitch et à son Premier ministre, Mykola Azarov. Mais ils visent aussi un panel d’oligarques, confortablement installés dans leurs fauteils de députés ou sur leurs richesses. Cependant, au sein de ce clan, constitué des fils Ianoukovitch, d’hommes politiques et de puissants hommes d'affaires, des dissensions commencent à se faire sentir.

Les hostilités ont été ouvertes, vendredi 13 novembre, par Rinat Akhmetov, riche homme d’affaires, longtemps considéré comme l'éminence grise du Parti des régions, le parti majoritaire. "Le fait que des gens pacifiques descendent dans la rue pour des manifestations pacifiques montre que l'Ukraine est un pays libre et démocratique", a-t-il écrit celui, appelant le gouvernement à des négociations rapides.

"Pression au moins aussi puissante que celle de la rue"

Un message fort, selon Alain Guillemoles, journaliste au quotidien La Croix et spécialiste de l’Ukraine. "Cette pression est considérable, elle est au moins aussi puissante que celle de la rue", estime-t-il. Car si les divergences d’opinion existent au sein du clan au pouvoir, Rinat Akhmetov est une personnalité quasi intouchable, "le seul oligarque à avoir de l'influence sur Viktor Ianoukovitch", estime même Volodymyr Fessenko, chercheur au centre d'analyse Penta, cité par l’AFP.

Cette prise de position n’est pourtant pas si surprenante, Akhmetov ayant la réputation d’être pro-européen. "L’intérêt pour lui c’est de préserver les liens de l’Ukraine avec Bruxelles, car il vend de l’acier en Europe," explique Alain Guillemoles. De plus, sur la chaîne Ukraïna, qu'il possède, la parole est donnée aux manifestants anti-régime,comme sur la chaîne Inter, qui est liée, elle, au magnat de la chimie Dmitri Firtach.

En 2010, alors fraîchement élu à la tête du pays, Viktor Ianoukovitch avait pourtant bien tenté de prendre ses distances avec Rinat Akhmetov. Ce dernier a en effet financé pendant dix ans le Parti des régions du président ukrainien, avant d’être élu au Parlement en 2007 – en guise de renvoi d’ascenseur, glisse-t-on.

Connivences entre business et politique

Le puissant Akhmetov est loin d’être le seul homme d'affaires avec lequel le gouvernement entretient des relations troubles. "Les partis politiques en Ukraine sont financés par des hommes d’affaires. En contrepartie, ils permettent à ces mêmes hommes d’affaires d’être élus au Parlement et d’influer sur la politique économique du pays", détaille Alexandra Goujon, maître de conférences, spécialiste de l’Ukraine et de la Biélorussie.

Rinat Akhmetov, lui-même, a contribué à l’élection de plusieurs députés. L’actuel vice-Premier ministre, Serhi Arbouzov, n’est autre que l’ancien directeur d’une banque appartenant au fils aîné du président, Olexandre Ianoukovitch.

Des connivences largement répandues au sein de cette "mafia", comme le qualifie Olexandra Koujel, député de l’opposition ukrainienne, dans les colonnes du Monde. "Ianoukovitch a toujours été financé et placé sous la coupe d’autres personnes. Puis il a voulu devenir plus riche qu’eux pour ne plus être dépendant et ne plus recevoir d’ordres." En vain.