![América Latina : 50 ans de photos, une histoire d’identité América Latina : 50 ans de photos, une histoire d’identité](/data/posts/2022/07/18/1658171208_America-Latina-50-ans-de-photos-une-histoire-d-identite.jpg)
Jusqu’au 6 avril, la Fondation Cartier à Paris présente des œuvres photographiques venues de 11 pays latino-américains. Histoires et parcours d’artistes se mêlent pour tirer un portrait exigeant et subjectif du continent.
Jusqu’au 6 avril 2014, à la Fondation Cartier à Paris, vous ne verrez pas l’image du Che souriant, béret étoilé sur la tête. Ni celle de Salvador Allende dans les couloirs de son palais présidentiel bombardé par l’aviation de Pinochet. Et encore moins de somptueux paysages ou d’hommages au comandante Chavez dans cette exposition consacrée à la photographie en Amérique latine, de 1959 à nos jours.
Noir et blanc, collages, ou couleurs acidulées, c’est d’abord le paysage urbain qui saute aux yeux. À travers les époques, la visite fait parler les rues des villes latino-américaines - cartels publicitaires, devantures d’épicerie ou de restaurants, parkings, slogans, graffitis - agrémentées ici et là de quelques bribes sonores de l’infatigable vacarme de la circulation. Une vidéo propose un long travelling dans une rue d’El Alto en Bolivie, une autre promène l’objectif sur l’Avenida Sabana Grande à Caracas, Venezuela.
Dans la section "Territoire", on croise les regards perdus d’Indiens yanomami. Au début des années 80, la photographe brésilienne Claudia Andujar participa à une mission médicale de vaccination en Amazonie, là où les populations indigènes étaient menacées par le simple contact avec les "Blancs". Elle rapporta de son périple des carnets de vaccination et des photos d’identité avec des numéros en bas du cadre qui rappelle que l’histoire sud-américaine est aussi une histoire coloniale.
Un peu plus loin c’est une juxtaposition de panneaux "Se Vende - For sale" (À vendre) sur une multitude de terrains quelque part au Mexique qui raconte une autre histoire commune au continent latino: la concentration des terres aux mains de quelques-uns (Jonathan Hernandez).
Enfin, au rayon "Informer-Dénoncer", on découvre quatre œuvres de l’immense artiste argentin Léon Ferrari. Des photographies triturées de façon quasi-obsessionnelle par ce fils d’un peintre d’église qui mit son œuvre sous le signe de la passion anticléricale et qui perdit l’un de ses fils durant la dictature militaire.
Le regard d'artistes latino-américains sur le continent
Pour Isabelle Gaudefroy, l’une des commissaires de l’exposition, la personnalité et le parcours des 70 photographes exposés a fortement pesé pour effectuer une sélection parmi une production gigantesque.
En 400 œuvres, l’exposition a pour ambition de faire un portrait historique et social de l’Amérique latine. Une tache quasi impossible car la période couverte est immense (plus d’un demi-siècle), et le territoire encore plus vaste (un continent qui s’étale du Rio Grande à la Terre de Feu).
Ce portrait est ainsi, de façon assumée, subjectif. Il donne la parole à des photographes qui ont une démarche d’artistes plasticiens, à des œuvres marquées parfois par le militantisme ou par une démarche mémorielle. Exit donc la photo documentaire et le photo-journalisme.
América Latina a fait le choix de la photographie artistique et pourtant le "réel", la vie quotidienne, le sexe, l’érotisme, la violence sont là, disséminés dans les clichés éclairés par des cartes, des chronologies pour donner au visiteur les clés d’une histoire tumultueuse.
Dans l’imaginaire européen, l’Amérique latine est souvent une accumulation de clichés plus ou moins exotiques (dictateurs, révolutionnaires, footballeurs, danseuses de Samba, producteurs de café). Ces stéréotypes, "nous avons décidé de les affronter, plutôt que de les éviter en privilégiant uniquement l’esthétisme", explique Isabelle Godefroy. Et ainsi répondre à la question "C’est quoi l’Amérique Latine ?" par une réponse simple : une culture et un territoire.