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Les Égyptiens s'inquiètent du tour de vis autoritaire du pouvoir militaire

Un étudiant tué lors d'un rassemblement islamiste, de jeunes partisans des Frères musulmans emprisonnés et des manifestations laïques jugées illégales... L'autoritarisme du pouvoir égyptien suscite l'indignation. Même parmi ses partisans.

Un étudiant a été tué, jeudi 28 novembre, lors d'une manifestation islamiste à l'Université du Caire, ont indiqué à l'AFP des responsables du ministère de la Santé. Des témoins sur place ont affirmé que la police avait utilisé des canons à eau, des grenades lacrymogènes et des tirs de chevrotines pour disperser des manifestants qui réclamaient le retour au pouvoir de l’islamiste Mohamed Morsi, destitué le 3 juillet par l’armée.

Des violences qui interviennent alors que les nouvelles autorités égyptiennes sont accusées, même parmi leurs partisans, d’opérer un tour de vis qui n’est pas sans rappeler le régime d'Hosni Moubarak. Des jeunes filles condamnées à 11 ans de prison, des manifestants non-islamistes dispersés pour la première fois depuis la chute de Morsi… Au-delà désormais des cercles des défenseurs des droits de l'Homme qui dénonçaient, depuis plus de trois mois, la très sanglante répression visant les partisans du président islamiste déchu, Mohamed Morsi, de nombreux Égyptiens dénoncent un retour du pouvoir autoritaire.

Certes, l'armée, qui a nommé un gouvernement intérimaire après la destitution de Mohamed Morsi, jouit toujours d'une large popularité. Certes, une majorité d'Égyptiens se soucie bien davantage de retrouver une stabilité, dans un pays à l'économie exsangue que du sort de ceux qu'ils considèrent comme une poignée de jeunes agitateurs.

Mais une loi décrétée le 24 novembre par le président intérimaire, Adly Mansour, interdisant toute manifestation n'ayant pas l'aval des autorités, a mis le feu aux poudres dans la rue. Une fronde qui a même gagné les rangs des partisans de l'armée et des militants laïcs, estimant jusqu'alors que les militaires étaient un moindre mal après un an de présidence Morsi.

Plus d’un millier de pro-Morsi tués en trois mois

Depuis la destitution de Mohamed Morsi, police et armée se sont lancées dans une implacable répression des manifestations de ses partisans, soutenues par les médias unanimes et une large partie de la population décidée à tourner la page des Frères musulmans. Depuis le 14 août, plus de 1 000 manifestants pro-Morsi ont été tués et des milliers arrêtés, sans que cela n’émeuve la majorité des Égyptiens.

Mais mardi, la police a appliqué la nouvelle loi. Elle a dispersé à coup de canon à eau et de grenades lacrymogènes deux manifestations organisées par des mouvements laïcs de la jeunesse et arrêté les militantes les plus connues du pays, avant de les relâcher au beau milieu de la nuit au bord d'une route en plein désert, à 15 km du Caire.

Ces rassemblements pacifiques dénonçaient la nouvelle loi contre les manifestations ainsi qu'un article de la Constitution en cours de révision, qui autorise les militaires à juger des civils. Toujours en vertu de cette loi jugée liberticide par les ONG et ayant provoqué l'inquiétude du secrétaire général de l'ONU, la sécurité égyptienne a arrêté, jeudi soir, l'une des figures de proue du mouvement pro-démocratie, Alaa Abdel Fattah, l'accusant d'avoir appelé à ces rassemblements.

La justice égyptienne a également ordonné, pour les mêmes motifs, l'arrestation d'Ahmed Maher, une autre figure de la révolte de 2011 contre Moubarak. Et mercredi, une nouvelle décision a apporté de l'eau au moulin de la contestation : la justice a condamné 14 jeunes partisanes de Mohamed Morsi à 11 années de prison, et envoyé en maison de correction sept mineures, simplement accusées d'avoir participé à des manifestations pro-Morsi et d'être des membres des Frères musulmans.

Hamdeen Sabbahi, ancien candidat à la présidentielle et fervent opposant aux Frères musulmans, interpellait peu après les autorités sur Twitter : "J'appelle le président Adly Mansour à utiliser son droit de grâce pour les filles condamnées à 11 ans de prison". L'ONG Amnesty international a demandé leur libération "immédiate et inconditionnelle", qualifiant la condamnation de "signal fort montrant qu'il n'y aura pas de limites aux efforts déployés par les autorités pour écraser l'opposition".

Avec AFP