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À Bangkok, les "chemises jaunes" ne décolèrent pas

L’opposition thaïlandaise est dans la rue pour réclamer le départ du Premier ministre Yingluck Shinawatra. Depuis dimanche, ils sont plusieurs milliers à bloquer ou occuper plusieurs ministères mais la dirigeante n'entend pas céder.

La mobilisation se poursuit, mardi 26 novembre, à Bangkok où “les chemises jaunes”, des manifestants hostiles au Premier ministre Yingluck Shinawatra, continuent d’occuper ou de bloquer plusieurs lieux publics symbolisant le pouvoir en place. Après le ministère des Affaires étrangères et celui des Finances où ils ont notamment passé la nuit de lundi à mardi, un millier de frondeurs occupent désormais le ministère de l’Intérieur dans la capitale thaïlandaise. Ils y ont intimé l'ordre au personnel de quitter le bâtiment, sous peine d'en être expulsés. "Notre mission importante aujourd'hui est d'encercler les quatre principaux ministères du gouvernement", a déclaré Watchara Ritthakanee, l'un des chefs de file du mouvement, devant les protestataires.

Les opposants se sont aussi rendus, mardi, devant les ministères de l'Agriculture, du Tourisme et des Transports, interdisant à quiconque de pénétrer dans les lieux et instaurant un système de garde. Des milliers de personnes ont également tenté de s'approcher du siège du gouvernement, la résidence officielle du Premier ministre, mais la police les en a empêchées.

La raison de ce soulèvement conduit par l’opposition tient à la présentation, en octobre dernier, d'un projet d'amnistie dont aurait pu bénéficier Thaksin Shinawatra, frère de l'actuelle chef du gouvernement et lui-même ancien Premier ministre, en exil à Dubaï en raison d'une condamnation en 2008 pour corruption.

Un ultimatum fixé au 5 décembre

Alors que les autorités cherchent à tout prix à arrêter les leaders des “chemises jaunes” invoquant l’occupation illégale de lieux publics, l’un d’eux, Suthep Thaugsuban, a posé, mardi, un ultimatum, annonce Cyril Payen, le correspondant de FRANCE 24 à Bangkok. “Il donne au Premier ministre jusqu’au 5 décembre - date hautement symbolique de l’anniversaire du roi - pour démissionner et dissoudre l’Assemblée”, explique-t-il.

Cet ancien vice-Premier ministre du précédent gouvernement dirigé par le Parti démocrate a appelé, mardi, les policiers et les militaires à se joindre au mouvement. "Nous espérons que cette fois ce sera un mouvement populaire pour prendre en charge de façon temporaire la gouvernance du pays. Si la police ou l'armée nous rejoignent, elle seront les bienvenues, mais elles devront écouter le peuple", a-t-il dit.

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En vidéo : Cyril Payen, correspondant de FRANCE 24 à Bangkok

Après plusieurs semaines de protestations quasi-quotidiennes, la mobilisation s’est intensifiée depuis dimanche, faisant craindre des débordements dans une capitale habituée aux violences politiques. Les partisans de l’opposition seraient entre 150 000 et 180 000, d’après les chiffres fournis par les autorités, bien plus selon les organisateurs.

Face à la fronde, le projet d’amnistie a été suspendu mais la mobilisation s’est transformée en un mouvement de contestation généralisé contre Yingluck Shinawatra, considérée par ses opposants comme la marionnette de son frère. La dirigeante ne semble toutefois pas prête de céder. "Je n’ai aucune intention de démissionner ni de dissoudre la Chambre, a-t-elle dit lundi à la presse. Le gouvernement a toujours les moyens de fonctionner, même si nous sommes confrontés à quelques difficultés. Toutes les parties ont affiché leurs objectifs politiques et elles doivent maintenant se tourner les unes vers les autres et discuter afin de trouver une issue pacifique pour le pays." À la télévision nationale, elle a également annoncé l'élargissement de la loi sur la sécurité intérieure à plusieurs zone dans le pays. Le texte permet notamment d'instaurer un couvre-feu et de limiter les manifestations.

Débats en cours à l’Assemblée

Pour accentuer la pression, l'opposition a déposé une motion de défiance au Parlement. Les débats se sont ouverts ce mardi, mais cette motion a peu de chance de passer car Yingluck Shinawatra dispose de la majorité.

Cette mobilisation est d’une ampleur inédite depuis les troubles meurtriers survenus en 2010 entre partisans et adversaires de Thaksin. À l’époque, 100 000 "chemises rouges", fidèles à Thaksin, avaient occupé le centre de Bangkok pendant deux mois pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque, dirigé par le chef du Parti démocrate Abhisit Vejjajiva, avant un assaut de l'armée. Cette crise, la plus grave qu'ait connue la Thaïlande moderne, avait fait quelque 90 morts et 1 900 blessés. Elle avait également mis en lumière les divisions profondes de la société entre les masses rurales et urbaines défavorisées du nord et du nord-est, fidèles à Thaksin, et les élites de Bangkok gravitant autour du palais royal, qui le haïssent.

Avec dépêches AFP et REUTERS