Comme il l'avait promis avant son élection, François Hollande est retourné jeudi à Florange sur le site d'ArcelorMittal. Il a annoncé la création d'une plateforme publique de recherche visant "à garantir l'indépendance de la sidérurgie française".
C'est par des sifflets que François Hollande a été accueilli jeudi 26 septembre par les salariés d'ArcelorMittal sur le site lorrain de Florange (Moselle). Ceux-ci considèrent en effet la fermeture il y cinq mois des hauts-fourneaux de leur aciérie comme une "trahison" du chef de l'État. Revenant sur le site d'ArcelorMittal pour honorer une promesse faite durant la campagne présidentielle, le chef de l'État a notamment annoncé la création à Florange d'un centre public de recherche pour la sidérugie française qui devra permettre "d'assurer l'acier de demain".
"Aujourd'hui, je suis venu faire une annonce, qui est celle de la création d'une plateforme publique de recherche et de développement industriel pour la sidérurgie lorraine", a-t-il ainsi dit après s'être entretenu avec les syndicalistes de Florange. "Cette plateforme est publique parce qu'elle vise à garantir l'indépendance de la sidérurgie française", a-t-il ajouté en s'engageant à venir chaque année sur le site pour vérifier que les promesses sont tenues.
"On n'est pas un show médiatique"
La CGT avait appelé les salariés à manifester devant les bureaux de l'usine. Les autres syndicats ne se sont pas joints à cet appel mais ont laissé les salariés libres d'exprimer leur mécontentement. À l'entrée du site, quelques dizaines de salariés CGT et CFDT, brandissant des drapeaux de leurs syndicats, ont hué et sifflé la voiture du chef de l'État. Des militants PCF étaient également présents avec une banderole proclamant "la Lorraine a un cœur d'acier. Ensemble pour le maintien de nos industries", ainsi qu'une poignée de membres du mouvement Debout la République de Nicolas Dupont-Aignan, qui ont à peine eu le temps de jouer au pipeau quelques notes de la Marseillaise.
"C'est une trahison, il nous a trahis. À la limite j'aurais préféré qu'il nous mente et qu'il ne vienne pas", a lancé Pascal Olivarez, syndiqué à la CFDT. "Si M. Hollande vient uniquement nous redire ce qu'on sait déjà et serrer des mains, ça n'a aucun intérêt. Si c'est uniquement pour honorer sa promesse de revenir, ça ne suffit pas et ça risque de se retourner contre lui. On n'est pas dans un show médiatique", a d'ores et déjà averti Edouard Martin, le charismatique leader local de la CFDT, alors que quelque 120 journalistes doivent suivre la visite présidentielle.
Walter Broccoli, représentant de FO, a lui aussi prévenu que le président ne sera "pas reçu les bras ouverts comme il l'avait été en février 2012". À l'époque, dans la dernière ligne droite de la présidentielle, le candidat PS avait reçu un accueil triomphal. Juché sur le toit d'une camionnette, il s'était bien gardé de promettre explicitement la sauvegarde des hauts-fourneaux, mais s'était engagé à proposer une loi pour qu'une "grande firme qui ne veut plus d'une unité de production" soit obligée de trouver des repreneurs. Ce texte - une proposition de loi -, qui doit être voté à l'Assemblée nationale le 1er octobre, avant d'être examiné par le Sénat, se limite finalement à une simple obligation de recherche d'un repreneur.
"Échange sans intermédiaires et sans tabous"
Ce jeudi, François Hollande doit rencontrer rapidement la direction d'ArcelorMittal avant une table ronde, à huis clos, avec les organisations syndicales, prévue pour durer une heure et demie. Pour le chef de l'État, il s'agit d'avoir un "échange sans intermédiaires et sans tabous", a indiqué son entourage. "La réunion sera consacrée à l'avenir de l'entreprise et de ses salariés" mais il est aussi "assez probable" qu'il y ait "un retour sur images. Ce n'est pas parce que les choses se stabilisent maintenant qu'elles n'ont pas été problématiques il y a quelques mois", ont souligné des conseillers de François Hollande.
Après l'arrêt, en avril, des hauts-fourneaux de Florange qui a touché 629 des quelque 2 500 salariés du site, FO avait déposé devant l'usine une stèle dénonçant la "trahison" de François Hollande.
Depuis, un accord entre le groupe et le gouvernement est intervenu, selon lequel le groupe ArcelorMittal s'est engagé à investir 180 millions d'euros sur le site sur cinq ans.
Le président, qui avait alors promis de retourner à Florange, arrive avec cette fois dans son escarcelle un pacte État-Région (2014-2016) prévoyant 300 millions d'euros d'investissements pour des projets lorrains innovants. Sur cette enveloppe, 33 millions, dont 15 de l'État, seront consacrés au site d'Arcelor pour le développement d'une technologie de production d'acier faiblement émettrice de CO2 baptisée Lis (Low impact steel).
Arnaud Montebourg, qui l'automne dernier avait menacé de démissionner après le refus par l'exécutif de son projet de nationalisation temporaire de Florange, sera le grand absent de ce déplacement. Officiellement, le ministre du Redressement productif est retenu par une réunion à Bruxelles. Mais il y a quelques jours, l'intéressé avait tout bonnement indiqué qu'il n'était "pas du tout au courant" de la visite présidentielle, signifiant ainsi qu'il n'était pas invité à accompagner le chef de l'État. La ministre de la Culture Aurélie Filippetti, élue de la région, la suivra elle de bout en bout.
Avec dépêches