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Syrie : le kidnapping comme arme de guerre

Le kidnapping est aujourd'hui l'une des armes les plus utilisées dans la guerre civile syrienne. Qu’il soit politique ou crapuleux, il est pratiqué par les deux camps et atteint toutes les couches de la société. Aux kidnappings viennent s'ajouter les "disparitions forcées" dans les prisons du régime. Reportage à la rencontre d'une victime et au ministère de la Réconciliation, où des dizaines de cas sont signalés chaque jour par les familles des disparus.

L’enlèvement de civils kidnappés chez eux, à des barrages ou dans la rue est devenu l’une des armes les plus insidieuses et les plus utilisées dans la guerre civile syrienne. Pratiqué par les deux camps, le régime du président Bachar al-Assad et la rébellion qui cherche à le renverser, ce phénomène, qui reste difficile à chiffrer, touche l’ensemble du territoire syrien et n’épargne aucune couche de la société.

Les mobiles du kidnapping peuvent être politiques ou crapuleux, voire, très souvent, une combinaison des deux, "puisque un certain nombre de groupes armés utilisent l’enlèvement comme un moyen de financement, or plus l’otage a une valeur politique, plus sa valeur marchande est potentiellement élevée", explique Sélim el-Meddeb, correspondant de FRANCE 24 dans la région, de retour de Damas.

Fadi, un Syrien rencontré à Damas a connu cette mésaventure il y quelques mois quand des hommes armés l'ont enlevé près de chez lui dans un quartier de la capitale. Après trois jours de calvaire, il a été relâché contre une juteuse rançon. Depuis, il surveille constamment ses arrières.

"Ils m'ont mis un pistolet sur la tempe en me disant que si je ne soutenais pas la révolution, ils me tueront, que si je ne leur donne pas d'argent, ils me tueront, explique-t-il à FRANCE 24. Ils m'ont aussi infligé des chocs électriques, j'ai reçu des décharges aux mains, aux pieds et à l'estomac. Ils avaient ma mère au téléphone pendant qu'ils me torturaient et ils me forçaient à lui demander de l'argent."

Disparitions forcées

Ces rapts dans la rue viennent s'ajouter aux "disparitions forcées" de personnes qui se retrouvent détenues dans les prisons du régime, où ils croupissent souvent sans le moindre jugement. Les envoyés spéciaux de FRANCE 24 se sont rendus au ministère de la Réconciliation, où ces cas sont signalés par les familles des disparus.

Ironie du sort, plusieurs employés de ce ministère, créé en juin 2012 et qui sert également d’outil de communication pour le régime, ont eux-mêmes été kidnappés. La structure d'aide aux familles de disparus reçoit en moyenne deux cas de kidnapping par jour, contre une dizaine il y a un an. Mais les rapts ne représentent qu'environ 20% des demandes adressées au ministère. La plupart des cas concernent des personnes arrêtées par les services de sécurité syriens. Les familles ont souvent peur de venir se plaindre auprès de représentants de l'État.

Chargé des enlèvements et des disparitions au sein du ministère, Khairy Samman a des contacts avec l'opposition armée et dit s’appuyer sur les nombreux Syriens qui ne souhaitent plus qu'une chose : voir les violences s'arrêter. "Beaucoup de gens ne sont pas d'accord avec ce qui se passe aujourd'hui et les tueries des deux camps, les kidnappings, les contre-kidnappings, les arrestations, indique-t-il. Il y a donc des gens qui veulent bien nous aider, mais secrètement, c'est avec eux qu'on travaille."

Son frère, Elias Samman, directeur de cabinet du ministre de la Réconciliation, n’hésite pas à s’élever contre "les disparitions forcées", une pratique très répandue courante dans un pays qui compte plus qu’une dizaine de services de sécurité. "Aujourd'hui, nous avons un vrai problème avec l'appareil sécuritaire de ce pays, car lorsque quelqu’un est arrêté, ils ne préviennent pas sa famille, ils ne lui disent pas que leur proche est détenu par tel ou tel service, pour tel ou tel motif", déplore-t-il. Et de conclure : "Cette situation attise la haine entre les Syriens."

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