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La campagne de séduction du président iranien Hassan Rohani

En quelques semaines, Téhéran a multiplié les gestes d’ouverture. Le dernier en date est le plus significatif : la libération, mercredi, de l’avocate Nasrine Sotoudeh, emprisonnée pour sa lutte en faveur des droits de l'Homme.

Depuis son élection, le nouveau président iranien, le modéré Hassan Rohani, a multiplié les déclarations d’intention promettant davantage de libertés politiques et sociales. "C’est un geste concret en terme d’avancée pour les droits de l’Homme. Les pays occidentaux attendaient cela depuis longtemps " confie à FRANCE 24 François Nicoullaud, qui fut ambassadeur de France à Téhéran entre 2001 et 2005. À l’époque, Hassan Rohani était négociateur en chef sur le dossier nucléaire iranien.

D’autres gestes d’ouverture de Rohani

Souhaiter le nouvel an juif sur Twitter

Le nouveau président iranien a créé la surprise en postant un message sur son compte Twitter pour souhaiter un joyeux Rosh Hashanah aux juifs du monde.

Israël

Interrogé par la chaîne américaine NBC à propos de l’ennemi juré de Téhéran, Rohani a déclaré ne chercher la guerre avec aucun pays : "Tout ce que nous souhaitons c’est la paix et l’amitié entre les nations et les religions ".

Les Gardiens de la Révolution à l’écart

Dans un discours prudent, Rohani a demandé aux Gardiens de la Révolution de ne pas se mêler de la vie politique iranienne. Proche de l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad, ce corps d’élite contrôle les postes stratégiques de l’économie iranienne.

Des cinéastes plus libres

Après avoir été dissoute sur ordre de l'ancien ministre de la Culture, proche de Mahmoud Ahmadinejad, la Maison du cinéma a été rouverte à Téhéran. Il s’agit de la plus grande organisation syndicale du cinéma. Elle compte des membres illustres comme Jafar Panahi et Asghar Farhadi.

La fin des quotas pour les femmes à l’université

Dans la presse iranienne, le nouveau ministre des Sciences de Hassan Rohani s’est opposé à la mise en place de quotas par sexe dans certaines universités. En 2013, 59 % des candidats reçus au concours d’entrée à l’université sont des femmes.

Une marge de manœuvre laissée par le Guide

Rohani était attendu par ses électeurs, mais on ne savait pas si le Guide suprême Ali Khamenei lui accorderait une marge de manœuvre. La libération de 12 prisonniers politiques, mercredi 18 septembre, est le premier geste concret confirmant que c'est le cas. "Rohani a la confiance du Guide suprême, les deux hommes se respectent mutuellement. Ce qui vient d’arriver n’a pas pu être obtenu sans l’accord du Guide " explique l’ancien diplomate.

Parmi les prisonniers qui ont quitté la prison de Evine, on retrouve des journalistes, des figures politiques proches du mouvement réformateur et des militants des droits de l’Homme. La plupart des prisonniers graciés avaient été arrêtés pendant le mouvement de protestation qui avait suivi la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. Notamment l’avocate Nasrine Sotoudeh, qui avait pris la défense de plusieurs opposants arrêtés pendant les manifestations de 2009. Ironie du sort, elle s’est retrouvée derrière les barreaux avec ceux qu’elle défendait. Condamnée à 11 ans de prison pour "action contre la sécurité nationale et propagande contre le régime", elle avait vu sa peine ramenée à six ans.

Une suspicion de "guerre douce"

Clément Therme, chercheur associé à l‘EHESS ne s’étonne pas de ces libérations." Avec Hassan Rohani, on est davantage dans le réalisme politique. Il n’adhère pas au discours du précédent gouvernement qui croyait à une "guerre douce". Une expression employée dans les discours des proches d’Ahmadinejad qui voyaient dans la figure de Nasrine Sotoudeh, et d’autres militants des droits de l’Homme, de potentiels révolutionnaires. Ils craignaient une "révolution de velours " à l’ukrainienne, financée par des fondations occidentales telle que la fondation Soros.

Nasrine Sotoudeh est une figure respectée en Iran et dans le monde occidental en raison de son travail aux côtés du prix Nobel de la paix, l'Iranienne Shirin Ebadi. " Le nouveau gouvernement sait que l’Occident sera sensible à ces évènements " note Clément Therme. En 2012, l’avocate a reçu le prix Sakharov pour la liberté de penser, comme Aung San Suu Kyi et Nelson Mandela.

Jointe par Reuters à Téhéran, Nasrine Sotoudeh raconte qu’elle espérait être libérée plus tôt. L’avocate en attend davantage du gouvernement en place. " Nous nous attendons à ce que tous les détenus politiques soient libérés ", a-t-elle déclaré, évaluant à 300 le nombre total d'hommes et de femmes emprisonnés pour leurs idées politiques sous la présidence de Mahmoud Ahmadinejad. "Je m'attends à ce que le processus entamé se poursuive", a-t-elle ajouté. "Si ce n'était pas le cas, cela signifierait que c'était une simple mesure de façade. Mais je suis très confiante que cela continuera".

L'objectif : assouplir les sanctions

Le calendrier de libération de ces prisonniers est loin d’être un hasard. Derrière cette libération soudaine, il y a aussi la volonté d’apaiser les critiques de l’Occident sur la situation des droits de l'Homme en Iran. Et ce, à quelques jours de la conférence des Nations unies, qui se tiendra le 24 septembre, et durant laquelle le nouveau président iranien devrait prononcer un discours très attendu.

Désormais l’Iran est prêt à faire preuve de pragmatisme. Téhéran a décidé d’adapter sa stratégie internationale en fonction des intérêts économiques du pays. "L’Iran prépare le terrain qui lui permettra de discuter d’un assouplissement des sanctions internationales. Celles-ci pèsent lourdement sur l’économie iranienne. Pour Hassan Rohani la situation est urgente, car c’est aussi pour rétablir la situation économique du pays qu’il a été élu.