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Un équipage pris en otage malgré les mises en garde

Des pirates ont kidnappé l’équipage français du Tanit, qui se rendait au Kenya. La force anti-piraterie Atalante avait pourtant conseillé au voilier de changer de cap (en vidéo, notre reportage à bord de la frégate le Floréal).

Depuis le samedi 4 avril, le jeune équipage breton du voilier le Tanit est séquestré par des pirates somaliens. Pourtant, le Floréal, qui participe à l'opération européenne Atalante destinée à lutter contre la piraterie dans le golfe d'Aden, lui avait formellement déconseillé de rester au large de la Somalie.

Le 17 mars, l’hélicoptère de la frégate française a établi un premier contact avec Florent et Chloë Lemaçon. L’équipage du Floréal, dirigé par le commandant Menut, leur a tout de suite prodigué "quelques conseils sur la route à suivre" et leur a vivement conseillé de mettre le cap sur les Seychelles, rapporte le capitaine de vaisseau Christophe Prazuck, de l'état-major.

De ce premier contact avec l’armée française, ils ne retiendront seulement que "C'est assez sympa ce contact français en pleine mer, loin de chez nous", comme ils l'indiquent sur leur blog. Florent et Chloë Lemaçon, respectivement âgés de 27 et 29 ans, persistent à maintenir le cap avec, à bord du bateau, Colin, leur enfant de trois ans, ainsi que deux amis.

Pourtant, à en croire leus écrits, ils avaient un temps penser à envoyer  leur petit garçon au Kenya, par d'autres moyens de transport.

Le couple, parti du Morbihan (France) le 26 juillet 2008, voulait rejoindre les îles de l’océan Indien et  y "rester quelques années" pour élever leur fils sur un bateau, loin de la consommation "à tout va" et du "quotidien de la vie occidentale". Leurs amis les avaient retrouvés le 17 mars 2009 à Aden au Yémen, pour les aider lors de la traversée de la zone, infestée de pirates.

"Les pirates ne doivent pas anéantir notre rêve"

Le commandant Prazuck estime cette prise de risque inconsidérée. "Depuis leur départ, ils avaient tous les moyens de connaître les dangers. Tout un tas de sites ainsi que les médias en parlent", explique-t-il.

De fait, sur le blog que la jeune famille tenait régulièrement, Chloé Lemaçon relate leur rencontre à Ismaïlia, en Egypte, avec Jean-Yves Delanne, le skipper du Carré d'As, et sa femme, Bernadette. Ces derniers avaient été capturés par les pirates somaliens en septembre 2008. Chloé Lemaçon affirmait également à la mi-janvier que la piraterie est "tout de même très, ou trop, médiatisée en ce moment ". Un peu plus tard, elle expliquait sur ces mêmes pages Web qu’ils ne voulaient pas voir leur rêve anéanti par les pirates.

Faute de parvenir à les convaincre de renoncer à rejoindre le Kenya, le Floréal les a escortés pendant trois jours. "On n’allait pas les laisser tomber", explique le commandant Prazuck.

Mais le 20 mars, à l’approche du détroit de Bab el-Mandeb, qui marque l’entrée dans l’océan Indien, le Floréal les abandonne à leur sort. La frégate ne peut aller plus loin : elle est chargée de protéger les navires commerciaux qui passent par le golfe d’Aden - l’une des routes maritimes les plus stratégiques du monde par laquelle transite 30 % du pétrole brut mondial.

Recrudescence d'attaques

La cellule de coordination "Alindien", la flotte française de l'océan Indien, a alors pris la relève, multipliant les avertissements verbaux. "Les avertissements étaient fermes", affirme le commandant Prazuck.

Un e-mail les prévenant d'une "recrudescence d'attaques à l'est des côtes africaines" depuis quelques jours leur a également été adressé le 27 mars. La missive les prévenait que "le rayon d'action des pirates [s’était] encore élargi".

Francis Lemaçon, le père du skipper, refuse de croire que son fils n’a pas respecté les consignes. Dans les colonnes du journal Ouest-France, il affirme que le couple se trouvait "très au large, comme on leur avait demandé". Et d'ajouter : "Ce sont des marins confirmés, surtout pas des inconscients."

Qu'ils soient expérimentés ou non, leur voilier de 12,5 mètres n’a pas fait le poids face à des pirates qui, en novembre dernier, avaient pris le contrôle, à plus de 800 kilomètres des côtes kenyanes, du Sirius Star, un supertanker transportant quelque 2 millions de barils de brut.